Lediscours de la psychanalyse n'offre donc pas de modÚles tout faits qu'il suffirait d'appliquer; il permet au contraire de poser des questions, de suggérer des hypothÚses et de mettre en rapport, au sein d'un systÚme de parenté, des données de langage, des modes de pensée et des relations économiques. Chemin faisant, nous avons montré que le systÚme de parenté trobriandais s
On connaĂźt la vie de Sudhir Kakar par le rĂ©cit quâil en a lui-mĂȘme fait Ă diffĂ©rentes occasions, et notamment dans le livre autobiographique quâil a publiĂ© en 2011, A book of memory, confessions and reflections. Jâai aussi recueilli des informations lors de lâentretien quâil mâa accordĂ© en dĂ©cembre 2016 Ă Goa. Sudhir Kakar est nĂ© le 15 juillet 1938 Ă Nainital, une petite commune dans lâHimalaya, situĂ©e dans lâĂ©tat dâUttaranchal qui est devenu lâĂ©tat d'Uttarakhand en 2000. Il est issu dâune famille hindoue punjabie originaire de Lahore et appartenant Ă la caste des Khatris. Les Khatris, qui peuvent ĂȘtre hindous ou sikhs, se considĂšrent comme lâĂ©quivalent punjabi des Kshatriya, la caste guerriĂšre, en dĂ©pit du fait que la majoritĂ© dâentre eux travaillent depuis lâĂ©poque moghole dans le secteur marchand. Son pĂšre, qui est magistrat, est rĂ©guliĂšrement mutĂ© et Kakar grandit dans diffĂ©rentes villes comme Sargodha, Rohtak, Shimla et Jaipur. En 1955, aprĂšs son second cycle, ses parents lâenvoient faire des Ă©tudes dâingĂ©nieur Ă Ahmedabad. Ces Ă©tudes ne lâattirent guĂšre, mais Kakar obĂ©it sans rechigner. LâidĂ©e que le choix dâune profession puisse revenir Ă lâindividu plutĂŽt quâĂ sa famille ou que la jeune gĂ©nĂ©ration puisse se rebeller contre la gĂ©nĂ©ration des parents nâexiste pas Ă cette Ă©poque en Inde. A Ahmedabad, Kakar vit chez une de ses tantes maternelles, Kamla Chowdhry, une femme qui a Ă©tĂ© veuve trĂšs tĂŽt et qui vit la vie atypique dâune femme seule, Ă©voluant dans les cercles intellectuels de la ville et connue pour ĂȘtre la maĂźtresse du cĂ©lĂšbre physicien Vikram Sarabhai, pĂšre du programme spatial indien » et fondateur de lâInstitut indien de management Indian Institute of Management dâAhmedabad. Câest en vivant chez sa tante Kamla que Kakar dĂ©couvre la philosophie occidentale et la psychologie, disciplines qui le passionnent immĂ©diatement, contrairement Ă ses Ă©tudes dâingĂ©nieur qui lâennuient beaucoup. Il lit avidement Schopenhauer, Whitehead, Russel et Freud. Par le biais de la frĂ©quentation de sa tante Kamla et des amis qui lâentourent, Kakar dĂ©couvre la fascination pour le fait dâĂȘtre un individu, dâĂȘtre une personne qui nâa pas besoin de penser ou de se comporter uniquement comme un membre de sa famille ou de sa caste » Kakar 2011a 107. DĂšs lors, Kakar se sent trĂšs attirĂ© par cet idĂ©al dâindĂ©pendance quâil associe au monde occidental. Son attrait pour la psychologie est indissociable de son dĂ©sir confus de ne pas suivre le chemin que sa famille a tracĂ© pour lui. Pour de nombreuses annĂ©es, lâ homme psychologique », cet individu hĂ©roĂŻque, suivant ses dĂ©sirs et ses inclinations, Ă©chappant aux attentes sociales et aux attaches humaines » devient le modĂšle qui lâattire et le fascine Kakar 2011a 107. A la fin de ses Ă©tudes, Kakar avoue Ă son pĂšre ne pas aimer le mĂ©tier dâingĂ©nieur et lui demande de le laisser aller faire une licence Ă lâĂ©tranger dans une discipline qui lui plaĂźt, comme la psychologie, lâanthropologie ou la philosophie. Son pĂšre refuse de le laisser changer dâorientation professionnelle, mais finit par le laisser aller suivre un master en ingĂ©nierie industrielle en Allemagne. En 1959, Kakar va donc vivre Ă Hambourg, oĂč il fait lâexpĂ©rience dâune libertĂ© quâil ne connaissait pas et dĂ©couvre avec enthousiasme la vie Ă©tudiante allemande. NĂ©anmoins, ses Ă©tudes dâingĂ©nieur continuent de lui peser et ses doutes quant Ă son orientation professionnelle sâintensifient. La distance lui donne le courage de sâopposer franchement Ă son pĂšre et Ă sa famille. Il demande une fois encore, avec bien plus de force, Ă recommencer des Ă©tudes dans un domaine qui lui plaĂźt. Son pĂšre, qui nâest aucunement prĂȘt Ă cĂ©der Ă ce quâil voit comme un caprice de jeunesse, propose toutefois Ă Kakar un compromis au lieu de poursuivre ses Ă©tudes en ingĂ©nierie industrielle, comme câĂ©tait prĂ©vu, il peut Ă©tudier le management industriel, une discipline quâil juge Ă mi-chemin entre lâingĂ©nierie et la philosophie. Sudhir Kakar obtempĂšre et suit donc des Ă©tudes de management industriel et dâĂ©conomie entre 1959 et 1964. Au printemps 1964, Ă vingt-cinq ans, il retourne en Inde aprĂšs cinq ans passĂ©s en Allemagne. Ses parents pensent quâils vont enfin pouvoir lui faire obtenir un bon poste et le marier, mais Kakar se sent plus perdu que jamais. EngagĂ© en tant que chargĂ© de recherche au sein du dĂ©partement pour le management du dĂ©veloppement agricole et rural de lâInstitut indien de management, Ă Ahmedabad, il se voit confier la mission de recueillir des donnĂ©es sur les formes de leadership prĂ©sentes dans les institutions rurales et voyage beaucoup dans les campagnes du Nord de lâInde. Ses longs voyages lui laissent du temps pour essayer dây voir plus clair en lui-mĂȘme. Doit-il se ranger Ă lâavis de sa famille et trouver un bon poste dâingĂ©nieur ou de professeur de management ? Ou lui faut-il prĂȘter lâoreille Ă ses dĂ©sirs un peu fous de devenir Ă©crivain ou rĂ©alisateur ? Doit-il Ă©pouser lâune des jeunes filles sĂ©lectionnĂ©es par ses parents ? Ou doit-il partir Ă la recherche du grand amour, comme dans la littĂ©rature romantique dont il raffole ? Kakar est dans une grande confusion, dont il ne sait comment sâextraire. LâincomprĂ©hension de sa famille, peu disposĂ©e Ă tolĂ©rer ses hĂ©sitations plus longtemps, rend cette pĂ©riode encore plus douloureuse Kakar 2011a 152. Câest la rencontre du psychanalyste Erik Erikson qui va permettre au jeune Kakar de sortir de ce trouble intĂ©rieur. Erikson, qui est alors professeur de dĂ©veloppement humain Ă lâuniversitĂ© dâHarvard, passe quelques mois en 1964 Ă Ahmedabad pour travailler sur son livre consacrĂ© Ă Gandhi, publiĂ© en 1969 sous le titre La vĂ©ritĂ© de Gandhi les origines de la non violence. Il vit chez Kamla Chowdhry, la tante de Kakar, qui est alors directrice des recherches de lâInstitut indien de management. Kakar, qui vit aussi chez sa tante, lui parle de ses interrogations quant Ă son avenir professionnel, et plus gĂ©nĂ©ralement quant au genre de vie quâil veut avoir. Il se met Ă lire les livres du psychanalyste amĂ©ricain et dĂ©couvre ses thĂ©ories sur les diffĂ©rents stades du dĂ©veloppement psychosocial et son concept de crise dâidentitĂ© », qui semble tout dâun coup donner du sens au trouble intĂ©rieur qui lâhabite Mes problĂšmes dâidentitĂ© », bien que de durĂ©e peut-ĂȘtre excessive, faisaient partie dâune crise normative de lâadolescence et du jeune Ăąge adulte, oĂč mes talents personnels recherchaient, sans succĂšs pour le moment, un milieu professionnel qui leur convienne. En outre, ma confusion identitaire nâĂ©tait pas simplement personnelle mais sâinscrivait aussi dans la culture de ma communautĂ© â au sens oĂč cela reflĂ©tait la crise contemporaine dans le dĂ©veloppement historique de la classe moyenne indienne, dĂ©chirĂ©e entre lâOrient et lâOccident, divisĂ©e entre des conceptions du monde europĂ©enne et indienne Kakar 2011a 159. ConsidĂ©rant quâErikson est le guru que [son] identitĂ© indienne recherchait » Kakar 2011a 60, Kakar dĂ©cide quâil veut devenir, comme lui, un psychanalyste et un Ă©crivain. Bien quâil nâait aucun diplĂŽme de psychologie, Erikson se montre encourageant, et lui assure que sâil parvient Ă avoir un doctorat dans les trois prochaines annĂ©es, il fera de son mieux pour le prendre Ă Harvard comme assistant. Pour avoir un doctorat le plus rapidement possible, Kakar dĂ©cide de poursuivre en Ă©conomie, la discipline dans laquelle il a rĂ©alisĂ© son master. En 1964, il part pour Vienne, oĂč il fait une thĂšse sur le leadership dans les entreprises indiennes, utilisant pour cela les donnĂ©es quâil a recueillies dans les campagnes du nord de lâInde lors de lâenquĂȘte quâil a rĂ©alisĂ©e pour lâInstitut indien de management. Dans cette thĂšse, qui cherche Ă comprendre la façon dont les traits spĂ©cifiques de la culture indienne façonnent des formes particuliĂšres de leadership, il sâintĂ©resse pour la premiĂšre fois Ă la dimension culturelle des phĂ©nomĂšnes sociaux. En 1966, Kakar, qui a rempli toutes les obligations de son doctorat et rendu sa thĂšse, devient lâun des six assistants dâErikson Ă Harvard â avec, entre autres, le futur sociologue Richard Sennett. Câest Ă cette Ă©poque que Kakar, qui doit encadrer des Ă©tudiants de psychologie sans avoir jamais lui-mĂȘme Ă©tudiĂ© cette discipline, se met Ă lire abondamment de la psychologie et de la psychanalyse. Cela fait deux ans quâil a acquis le dĂ©sir de devenir psychanalyste, mais ce dĂ©sir nâest pas ancrĂ© dans une connaissance de la thĂ©orie analytique ou dans une expĂ©rience clinique personnelle. Ce qui motive avant tout son attirance pour la psychanalyse, câest la personnalitĂ© dâErikson, qui jouit sur le campus dâHarvard dâune trĂšs grande notoriĂ©tĂ© et que Kakar admire beaucoup depuis leur rencontre Ă Ahmedabad. En outre, les productions thĂ©oriques dâErikson le sĂ©duisent spontanĂ©ment, en ce quâelles accordent une place importante Ă la question de lâidentitĂ© et de la culture. Selon Erikson, les processus intrapsychiques ne suffisent pas Ă rendre compte du dĂ©veloppement dans toute sa complexitĂ©, et il faut complĂ©ter la thĂ©orie du dĂ©veloppement psychosexuel de Freud par une thĂ©orie du dĂ©veloppement psychosocial. InfluencĂ©e par lâĂ©cole culturaliste amĂ©ricaine, qui sâattache Ă relier les caractĂ©ristiques psychologiques des individus aux expressions particuliĂšres des cultures dans lesquelles ils Ă©voluent, son approche est portĂ©e par le souci dâintĂ©grer lâenvironnement social, Ă la fois restreint le rĂ©seau des relations interpersonnelles et Ă©tendu la sociĂ©tĂ© et la culture. En cela, il prend une certaine distance avec la thĂ©orie freudienne, rĂ©ticente Ă accorder une fonction inductive Ă lâenvironnement. Cette volontĂ© de donner une dimension sociale, culturelle et historique Ă la psychanalyse rĂ©sonne de façon particuliĂšrement juste aux oreilles de Kakar. Ses sĂ©jours en Europe et aux Etats-Unis ont mis en branle chez lui de profonds questionnements sur sa propre identitĂ©, et sur la place quây prend son ancrage dans la culture indienne. La thĂ©orie dâErikson lui fournit un outillage conceptuel pour se confronter Ă ces questions et Ă©baucher ce qui va constituer le projet intellectuel de toute sa vie, la formulation dâune psychologie culturelle indienne, ou plus prĂ©cisĂ©ment, la comprĂ©hension de la psychĂš et de la sociĂ©tĂ© en Inde au prisme de la pensĂ©e psychanalytique » Kakar 2011a 175. Kakar rentre en 1968 Ă Ahmedabad, oĂč il enseigne Ă lâInstitut indien de management. Il se marie la mĂȘme annĂ©e avec une jeune fille issue dâune grande famille commerçante de Bombay, aprĂšs avoir longtemps luttĂ© contre lâopposition de leurs familles respectives face Ă lâunion dâune Bania gujaratie et dâun Khatri punjabi. Il garde le dĂ©sir de devenir psychanalyste, sans savoir toutefois comment sây prendre. Il aimerait intĂ©grer une Ă©cole de psychanalyse amĂ©ricaine mais nâest pas mĂ©decin, condition nĂ©cessaire aux Etats-Unis pour entreprendre la formation dâanalyste. Câest une fois encore Erikson qui lui vient en aide. A sa demande en effet, le psychanalyste allemand Alexander Mitscherlich, alors directeur du Sigmund Freud Institute de Francfort, propose Ă Kakar de le prendre en formation. De 1971 Ă 1975, Kakar se forme au mĂ©tier dâanalyste Ă Francfort, en conduisant son analyse personnelle, en frĂ©quentant assidĂ»ment le Sigmund Freud Institute et en participant de façon plus large Ă la vie intellectuelle de Francfort, oĂč psychanalystes et spĂ©cialistes des sciences sociales travaillent en Ă©troite collaboration. Depuis sa fondation en 1923, lâInstitut de recherche sociale de Francfort est caractĂ©risĂ© par sa volontĂ© dâarticuler marxisme et psychanalyse dans lâĂ©laboration dâune thĂ©orie critique. Pour les grands penseurs de cette tradition comme le philosophe et sociologue Max Horkheimer et le psychanalyste Erich Fromm, la psychanalyse est avant tout une science complĂ©mentaire, qui prolonge la critique marxiste de lâĂ©conomie politique par une analyse de lâĂ©conomie psychique. La psychanalyse fournit au marxisme une thĂ©orie de la subjectivitĂ© qui lui fait dĂ©faut. Chez un autre penseur de lâEcole de Francfort, ThĂ©odor Adorno, la psychanalyse permet davantage dâĂ©clairer lâirrationalitĂ© sociale, la nĂ©gativitĂ© ou la dĂ©raison dans lâhistoire, et sâavĂšre ainsi un outil indispensable dans lâanalyse de la personnalitĂ© autoritaire, du fascisme, du nationalisme ou du racisme. Lâusage des concepts psychanalytiques pour un diagnostic critique de la sociĂ©tĂ© sâaccompagne dâune critique de lâanhistoricitĂ© de la thĂ©orie psychanalytique. Les penseurs de lâEcole de Francfort soutiennent que lâorganisation psychique doit toujours ĂȘtre resituĂ©e socialement et historiquement. Ils sociologisent la psychanalyse, refusent le noyau biologique de la dĂ©couverte freudienne et insistent sur lâimportance de la culture26. Câest dans ce contexte intellectuel que Kakar effectue sa formation de psychanalyste. La frĂ©quentation dâErikson, qui fait de lâidentitĂ© une construction psychosociale, lâa dĂ©jĂ amenĂ© Ă rĂ©flĂ©chir Ă la place de lâenvironnement socio-culturel dans la psychĂš humaine. La frĂ©quentation de la tradition francfortoise le conduit Ă poursuivre cette rĂ©flexion. Il commence dĂšs lors Ă regarder dâun Ćil critique les traditions psychanalytiques â en particulier lâego-psychology amĂ©ricaine â qui sâadossent Ă une conception trĂšs individualiste de lâhomme et jugent que lâenvironnement socio- culturel nâa quâune influence secondaire et superficielle sur la vie psychique des individus. Le projet intellectuel qui lâoccupera toute sa vie peut ĂȘtre dĂ©crit comme une rĂ©futation des thĂšses de cette psychanalyse individualiste, Ă partir dâune exploration de la psychĂš indienne et du rĂŽle de la sociĂ©tĂ© dans lâĂ©laboration de cette psychĂš. 26 Les façons prĂ©cises dâarticuler thĂ©orie freudienne et thĂ©orie de la sociĂ©tĂ© ont pu grandement varier et ont fait lâobjet de vifs dĂ©bats au sein des penseurs proches de lâInstitut de recherche sociale de Francfort. Pour une analyse dĂ©taillĂ©e de ces dĂ©bats, on peut se reporter Ă Genel 2016. Au-delĂ de ce contexte intellectuel, câest lâanalyse personnelle de Kakar qui le pousse Ă rĂ©flĂ©chir sur le rĂŽle de la culture dans la formation de la personnalitĂ©. DĂšs le dĂ©but de son analyse avec Clemens de Boor, un psychanalyste spĂ©cialiste de la mĂ©decine psychosomatique, Kakar sent confusĂ©ment quâen bien des domaines, de Boor et lui-mĂȘme ont du mal Ă se comprendre. Prenons les deux exemples sur lesquels il insiste dans son autobiographie. Tout dâabord, il se sent mal Ă lâaise devant lâattitude distante, voire froide, de Clemens de Boor. A ses yeux, la figure du psychanalyste incarne la personnification du vieux sage guidant avec bienveillance un disciple sincĂšre et travailleur qui [a] abdiquĂ©, au profit de son guru, toute responsabilitĂ© dans son propre bien-ĂȘtre » Kakar 2011a 200. Alors quâĂ la mĂȘme Ă©poque, câest le potentiel subversif de la psychanalyse qui fait son attrait auprĂšs de la jeunesse europĂ©enne et amĂ©ricaine, lâattirance de Kakar pour la psychanalyse tient beaucoup aux vertus de sagesse et de discernement quâil associe avec la mise Ă jour des contenus inconscients. Ainsi Kakar conçoit spontanĂ©ment sa relation avec son psychanalyste en la calquant sur le modĂšle relationnel maĂźtre / disciple. Kakar attend de son psychanalyste que, comme tout bon guru indien â et comme sâest en outre comportĂ© Erikson avec lui â, il montre bienveillance, sollicitude et compassion, de façon bien plus manifeste que ne le font habituellement les psychanalystes europĂ©ens. Il y a lĂ un premier dĂ©calage culturel avec son psychanalyste. Lâautre exemple sur lequel insiste Kakar pour illustrer les incomprĂ©hensions entre son psychanalyste et lui-mĂȘme, câest les relations intrafamiliales et la place accordĂ©e aux membres de sa famille Ă©largie. Kakar remarque que de Boor a tendance Ă considĂ©rer les oncles, les tantes et les cousins qui ont eu une grande importance dans son enfance et dans sa vie comme des figures de second plan. Il a le sentiment dâavoir du mal Ă faire comprendre lâimportance et la spĂ©cificitĂ© de chacune de ces relations. Le systĂšme de parentĂ© qui prĂ©vaut en Inde du Nord, et dans la famille punjabie de Kakar, distingue nettement des relations qui sont confondues dans le systĂšme de parentĂ© qui prĂ©vaut en Allemagne, et plus gĂ©nĂ©ralement en Europe. Tout dâabord, les relations matrilatĂ©rales et les relations patrilatĂ©rales sont clairement diffĂ©renciĂ©es, Ă la fois dans la terminologie utilisĂ©e, dans les devoirs et les obligations qui accompagnent ces diffĂ©rentes relations, et plus gĂ©nĂ©ralement dans les reprĂ©sentations collectives qui les entourent. Ensuite, au sein du mĂȘme cĂŽtĂ© de la famille celui du pĂšre ou celui de la mĂšre, un mĂȘme type formel de relation par exemple, neveu / oncle paternel se voit souvent redoubler dâun deuxiĂšme critĂšre de distinction, lâĂąge et le rang dans la famille, critĂšre qui Ă son tour entraĂźne une terminologie spĂ©cifique ainsi que des devoirs et des obligations diffĂ©rents. Ainsi, pour en rester au mĂȘme exemple, les oncles paternels sont clairement distincts des oncles maternels. Au sein des oncles paternels, les oncles plus ĂągĂ©s que le pĂšre sont diffĂ©renciĂ©s des oncles qui sont plus jeunes que lui. Les oncles maternels sont au contraire dĂ©signĂ©s par le mĂȘme terme. Ainsi, lĂ oĂč lâon parle dâ oncle » en français â ou dâ Onkel » en allemand â le punjabi distingue le taya le frĂšre aĂźnĂ© du pĂšre, le chacha le frĂšre cadet du pĂšre, le phupher le mari de la sĆur du pĂšre, le mama le frĂšre de la mĂšre et le masar le mari de la sĆur de la mĂšre. Chacun de ces termes indique une relation de parentĂ© spĂ©cifique et convoque un imaginaire bien particulier. Par exemple, le taya est une personne que lâon respecte et que lâon craint quand on entretient une relation de camaraderie et de taquinerie avec son chacha et quâon est gĂątĂ© et choyĂ© par son mama. Dans son analyse personnelle, Kakar convoque spontanĂ©ment tout lâĂ©ventail de ces relations. Mais il sâaperçoit que Clemens de Boor, qui est peu au fait des spĂ©cificitĂ©s du systĂšme de parentĂ© qui prĂ©vaut en Inde du Nord, a tendance Ă ne voir dans ses diffĂ©rents oncles et ses diffĂ©rentes tantes que de simples figures parentales, lissant ainsi totalement les spĂ©cificitĂ©s de chacune de ses relations. Kakar a le sentiment dâ un sĂ©rieux appauvrissement de [s]on monde
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La semaine derniĂšre, jâai mis une contribution sur le rĂŽle pĂšre-mĂšre, qui une fois Ă©crite mâa fait repenser quâil y a dâautres visions de ce rĂŽle et quâil est important pour ce faire une idĂ©e du sujet de le regarder sous diffĂ©rents angles. Voici donc une autre vue de ces rĂŽles de pĂšre et de mĂšre Ă travers la psychanalyse. Jâai pris pour base deux articles que jâai trouvĂ© suffisamment concis et clair dans un langage simple car comme vous je nâaime pas les langages compliquĂ©s accessibles uniquement aux personnes ayant une maĂźtrise en psychologie. Il faut bien diffĂ©rencier rĂŽle et fonction le rĂŽle dĂ©signe des comportements, des actes ou des attitudes conscientes, volontaires, concrĂštes, interchangeables et relatifs comme les tĂąches mĂ©nagĂšres ou de pourvoyeurs » 1 alors que La fonction est Ă lâinverse des rĂŽles car celle-ci est inconsciente, psychologique non volontaire, unique, spĂ©cifique et absolue identitĂ© sexuĂ©e. Aucune mĂšre, malgrĂ© sa bonne volontĂ©, ne peut remplir la fonction paternelle ; elle ne peut remplir que » sa » fonction maternelle »1 Dans la rĂ©alitĂ©, la mĂšre se retrouve parfois Ă remplir la fonction paternelle, jâen reparle Ă la fin. Vous comprendrez donc Ă la lecture de cette prĂ©cision linguistique que jâai parlĂ© du rĂŽle pĂšre-mĂšre la semaine derniĂšre et que lĂ , il sâagit de parler de la fonction paternelle et la fonction maternelle. Jâai fait le choix de prendre la vision de Winnicott qui a une approche positive de la mĂšre contrairement Ă Freud. Winnicott Ă©tait pĂ©diatre avant dâĂȘtre psychanalyse ceci explique peut ĂȘtre sa vision. Concernant la mĂšre, Au tout dĂ©but, le nouveau-nĂ© est dans une situation de dĂ©pendance absolue vis-Ă -vis de lâentourage. » 2 Lâentourage est souvent la mĂšre en premier lieu, ou ce quâil nomme son substitut, câest Ă dire la personne qui sera prĂ©sente pour sâoccuper du nouveau-nĂ©. La mĂšre y rĂ©pond par la prĂ©occupation maternelle primaire, câest-Ă -dire une capacitĂ© Ă sâidentifier Ă lâenfant pour le comprendre. Au cours de cette pĂ©riode, elle est littĂ©ralement en rĂ©sonance avec les besoins du bĂ©bĂ©. Elle Ă©prouve une irrĂ©pressible nĂ©cessitĂ© de les satisfaire. La dĂ©tresse de son enfant lui est intolĂ©rable. Le nourrisson et sa mĂšre forment une dyade. »2 Câest ce que certaines personnes appellent lâinstinct maternel » cette capacitĂ© Ă ĂȘtre en rĂ©sonance totale avec les besoins du bĂ©bĂ© et y rĂ©pondre instantanĂ©ment parfois mĂȘme juste avant quâil ne soit exprimĂ©. Ceci est vrai dans le cas de lâallaitement oĂč les mĂšres peuvent parfois sentir la montĂ©e de lait, se rĂ©veiller juste avant que le bĂ©bĂ© ne se rĂ©veille. La fonction maternelle est dâabord une fonction de matrice, de source nourriciĂšre, dâenveloppe, de rĂ©ceptacle de vie, de rĂ©tention. La mĂšre reprĂ©sente lâabri, la sĂ©curitĂ©, la protection, la chaleur, lâaffection, la fusion, la comprĂ©hension La mĂšre reprĂ©sente lâamour. »1 Pour Winnicott, il y a trois fonctions maternelles indispensables au bon dĂ©veloppement de lâenfant la prĂ©sentation de lâobjet câest le fait dâĂȘtre prĂ©sente, la mĂšre est lĂ tout le temps pour lâenfant le fait de tenir, de contenir câest le fait de donner des repĂšres simples et stables, câest aider lâenfant Ă comprendre ce quâil ressent faim, soif, besoin dâĂȘtre changĂ©.. la manipulation physique du bĂ©bĂ© les soins lui permettent de prendre conscience quâil a un limite corporelle, une tĂȘte, un tronc avec un ventre, des bras, des jambes⊠Je mâen tiens Ă lâutilisation du dĂ©but de lâarticle, le reste Ă©tant plus technique et nâapporte pas dâinformations complĂ©mentaires sur le rĂŽle de la mĂšre. VoilĂ donc rĂ©sumĂ© trĂšs rapidement le rĂŽle de la mĂšre auprĂšs de lâenfant selon la vision de Winnicott. La transition vers le rĂŽle du pĂšre est simple schĂ©matiquement, elle rĂ©conforte, lui stimule. Il est intĂ©ressant de noter que la naissance de la fonction maternelle est dâordre biologique la grossesse alors que celle du pĂšre est un processus symbolique liĂ© Ă lâenvironnement. En effet, il y a des hommes pour qui ĂȘtre pĂšre est trĂšs abstrait, ils vivent la grossesse de loin sans comprendre trop ce qui se passe mĂȘme si le mental est lĂ et lâentourage pour lui dire câest chouette tu vas ĂȘtre papa ! » ils ne comprennent pas trop ce qui arrive. La fonction du pĂšre en est une de sĂ©paration, dâexpulsion du sein maternel, de distinction, de diffĂ©renciation. Le pĂšre doit Ă©duquer ses enfants dans le sens Ă©tymologique du mot » educare » faire sortir, tirer dehors, conduire au-dehors avec soin. »1 Jâappuie particuliĂšrement sur le conduire au-dehors avec soin » Cette notion de soin est importante pour la suite de ce quâest la fonction paternelle selon la psychanalyse. En effet, La fonction du pĂšre est de sĂ©parer lâenfant de la mĂšre. Il doit sâinterposer entre la mĂšre et lâenfant pour permettre Ă lâenfant de dĂ©velopper son identitĂ© en dehors de la symbiose maternelle et rappeler Ă la mĂšre quâelle est aussi une femme, une amante, un ĂȘtre de plaisir, non seulement un ĂȘtre de devoir gĂ©nĂ©reux. Si la mĂšre reprĂ©sente lâamour fusionnel, le pĂšre reprĂ©sente les limites, les frontiĂšres, la sĂ©paration psychologique »1 ceci doit ĂȘtre fait avec grand soin et douceur ! Il est aucunement question de sevrer lâenfant pour que le pĂšre rĂ©cupĂšre sa femme comme prĂ©conisĂ© par certaines personnes vous voyez de qui je parle. Yvon Dallaire retranscrit 5 fonctions paternelles La protection protĂ©ger les siens et donc pour ce faire ĂȘtre prĂ©sent physiquement et psychologiquement LâĂ©ducation Le pĂšre doit faciliter Ă ses enfants lâapprentissage du contrĂŽle de soi »1 Lâinitiation initier lâenfant aux rĂšgles de la sociĂ©tĂ© pour vivre avec les autres La sĂ©paration sĂ©parer la mĂšre de lâenfant et lâenfant de la mĂšre pour que lâun et lâautre puisse sâĂ©panouir ; la mĂšre en tant que femme et lâenfant en tant quâadulte La filiation pour que lâenfant sache qui est son pĂšre et quâil puisse sâinscrire dans une lignĂ©e. On comprendra Ă la lecture de cet article 1 que la fonction paternelle a Ă©tĂ© bien bousculĂ© ces derniĂšres annĂ©es. Les mĂšres ont pris une partie de ces fonctions par les rĂŽles quâelles ont jouĂ©, peut ĂȘtre parce que les hommes des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes avaient oubliĂ© que leur fonction doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e avec soin » et non autoritarisme ». Marie-Christine Eustache 1 par Yvon Dallaire 2
LepĂšre et la mĂšre doivent conjointement assurer la possibilitĂ© pour le bĂ©bĂ© de les discerner, de les identifier en tant que tels, mais aussi dâĂȘtre confrontĂ© Ă un objet en soi, le couple. Le couple permet dâorganiser chez le bĂ©bĂ© le rapport Ă lâaltĂ©ritĂ©, Ă la diffĂ©renciation de ce qui est permis de ce qui est interdit, Ă la diffĂ©renciation des sexes, Ă la
Le jeu simple et addictif CodyCross est le genre de jeu oĂč tout le monde a tĂŽt ou tard besoin dâaide supplĂ©mentaire, car lorsque vous passez des niveaux simples, de nouveaux deviennent de plus en plus difficiles. Plus tĂŽt ou plus tard, vous aurez besoin dâaide pour rĂ©ussir ce jeu stimulant et notre site Web est lĂ pour vous fournir des CodyCross En rapport avec le pĂšre de la psychanalyse rĂ©ponses et dâautres informations utiles comme des astuces, des solutions et des astuces. Ce jeu est fait par le dĂ©veloppeur Fanatee Inc, qui sauf CodyCross a aussi dâautres jeux merveilleux et dĂ©routants. Si vos niveaux diffĂšrent de ceux ici ou vont dans un ordre alĂ©atoire, utilisez la recherche par indices ci-dessous. CodyCross Confort de la Maison Groupe 623 Grille 4FREUDIEN
Ildéfend dans son dernier ouvrage «extension de la psychanalyse, pour une métapsychologie de 3Úme type » paru en 2015 aux éditions Dunod, la nécessité de tenir compte d'une conjonction complexe et dynamique entre 3 espaces de réalités psychiques interférents : du sujet, des liens et du groupe et décrit un nouveau paradigme de l'inconscient qui le met face à une nouvelle
Le CongrĂšs des Psychanalystes de Langue Française de 2012 nous avait rappelĂ© que le complexe dâĆdipe fut une des grandes dĂ©couvertes de la pensĂ©e freudienne, inscrite dans lâhistoire humaine par lâuniversalitĂ© du mythe grec dâĆdipe, au-delĂ de lâhistoire du sujet. Lâun des traits de gĂ©nie de Freud fut dâarticuler la structure triangulaire familiale dans laquelle le pĂšre est Ă la fois un rival et un objet dĂ©sirĂ©, avec lâuniversalitĂ© de la loi du tabou de lâinceste en rĂ©fĂ©rence au meurtre du pĂšre de la horde primitive. La triangulation de lâĆdipe nâĂ©tait donc pas quâune histoire familiale. Le congrĂšs de 2013 sur le paternel nous a amenĂ© Ă dâautres interrogations. Avant lâaccĂšs Ă cette conflictualitĂ© Ćdipienne, quâen est-il des premiĂšres relations de lâenfant avec ses deux parents ? La mĂšre bien sĂ»r mais aussi le pĂšre. Dans cette perspective, le dĂ©but de la vie psychique peut-il se penser en termes de triangulations prĂ©coces sâorganisant avec la mĂšre et le pĂšre ? Les premiers liens mĂšre-enfant ont Ă©tĂ© beaucoup Ă©tudiĂ©s. Quâen est-il des relations avec le pĂšre Ă la mĂȘme pĂ©riode de vie de lâenfant ? Si lâimportance du pĂšre de la horde et son hĂ©ritage phylogĂ©nĂ©tique sont des acquis de la thĂ©orie psychanalytique, la question reste posĂ©e de ce mĂȘme point de vue sur lâimplication du pĂšre rĂ©el de la vie quotidienne auprĂšs de lâenfant. Il est vrai quâon fait peu rĂ©fĂ©rence Ă des textes freudiens sur le thĂšme des deux parents et particuliĂšrement du pĂšre auprĂšs de lâenfant au dĂ©but de sa vie. Je vais en Ă©voquer trois. Le premier est la lettre Ă Fliess du 6-4-1897 dans laquelle il Ă©voque le vĂ©cu des trĂšs jeunes enfants quant Ă la scĂšne primitive Je veux parler des fantaisies hystĂ©riques, qui remontent rĂ©guliĂšrement, comme je le constate, aux choses que les enfants ont entendues trĂšs tĂŽt et comprises seulement aprĂšs-coup. LâĂąge auquel ils ont reçu un tel message est tout Ă fait Ă©tonnant, dĂšs 6 ou 7 mois ! » Cette citation est intĂ©ressante car on y retrouve Ă la fois la prĂ©occupation pour ne pas dire lâacharnement quâaura Freud Ă retrouver la rĂ©alitĂ© de la scĂšne primitive dans lâhistoire de lâHomme aux loups, mais aussi la certitude quâaura MĂ©lanie Klein dans sa thĂ©orie, de la perception trĂšs tĂŽt par lâenfant de la sexualitĂ© de ses parents, Ă lâĂ©poque indiquĂ©e par Freud. Le second extrait se trouve dans LâinterprĂ©tation du rĂȘve 1900 oĂč il soulignait lâimportance de la question paternelle. En parlant des patients susceptibles de mettre en doute certaines interprĂ©tations au cours de la cure analytique, Freud prĂ©cisait Je mâattends bien Ă ce que ce genre dâaccueil me soit rĂ©servĂ© lorsque je mets Ă dĂ©couvert le rĂŽle insoupçonnĂ© que joue le pĂšre chez les malades du sexe fĂ©minin dans les motions sexuelles les plus prĂ©cocesâŠJe pense pour confirmer cela Ă tel ou tel exemple oĂč la mort du pĂšre sâĂ©tait produite Ă un Ăąge trĂšs prĂ©coce de lâenfant, et oĂč des incidents ultĂ©rieurs, inexplicables autrement, dĂ©montraient que lâenfant avait bel et bien inconsciemment conservĂ© des souvenirs de la personne qui lui avait Ă©tĂ© si prĂ©cocement ravie. » Jâajouterais pour ma part, lâintĂ©rĂȘt que joue le pĂšre aussi pour les patients de sexe masculin. Le troisiĂšme texte de Freud 1932 se trouve dans la 35Ăšme Nouvelle suite des leçons dâintroduction Ă la psychanalyse, Dâune vision du monde. A propos de lâĂ©tat de dĂ©tresse infantile, il parle de la protection apportĂ©e par le pĂšre et prĂ©cise plus exactement, sans doute lâinstance parentale composĂ©e du pĂšre et de la mĂšre » comme dans Le moi et le ça », Ă propos de lâidentification au pĂšre de la prĂ©histoire personnelle, il avait apportĂ© la prĂ©cision Peut-ĂȘtre serait-il plus prudent de dire avec les parents ». Il souligne alors que lâĂȘtre humain se sait en possession de forces plus grandes que dans son enfance mais aussi quâil est restĂ© tout autant en dĂ©saide » et privĂ© de protection quâĂ cette Ă©poque ; que face au monde, il est toujours un enfant ». Reconnaissant maintenant, poursuit Freud, que son pĂšre est un ĂȘtre Ă©troitement limitĂ© dans sa puissance et nullement pourvu de tous les mĂ©rites⊠il remonte Ă lâimage mnĂ©sique du pĂšre de lâĂ©poque enfantine, tellement surestimĂ© par lui ; il Ă©lĂšve celle-ci au rang de divinitĂ© et lui fait prendre place dans le prĂ©sent et dans la rĂ©alitĂ©. » Il est intĂ©ressant de souligner que dans ce texte, Freud fait rĂ©fĂ©rence Ă la dĂ©tresse infantile de lâenfant et au lien avec le pĂšre Ă cette Ă©poque de la vie. De mĂȘme dans ce texte, il est fait allusion Ă un pĂšre surestimĂ©, idĂ©alisĂ© dont on peut penser quâil serait pour lâenfant, en lien avec un pĂšre tout puissant hĂ©ritĂ© du passĂ© phylogĂ©nĂ©tique. Ainsi, le pĂšre tout-puissant et son hĂ©ritage archaĂŻque seraient en lien profond avec le pĂšre de la dĂ©tresse infantile, celui de la toute petite enfance qui dans le meilleur des cas perdurera toute la vie, sous dâautres formes au grĂ© des rencontres avec dâautres hommes et continuera Ă accompagner le sujet. Ce lien entre le pĂšre de lâhĂ©ritage archaĂŻque et le pĂšre de la quotidiennetĂ© confirme bien Ă©videmment la diffĂ©rence fondamentale, structurale avec la mĂšre, tout en prenant en compte les liens prĂ©coces du pĂšre et de lâenfant. Cela valide, lorsquâon pense le pĂšre du dĂ©but de la vie psychique, la nĂ©cessaire intĂ©gration, prise en compte dâun pĂšre tyrannique des temps originaires issu de la phylogĂ©nĂšse tel que Freud lâa dĂ©fini, sâorganisant dans le psychisme du sujet avec un pĂšre ontogĂ©nique » dont une des origines se situe dans la rĂ©alitĂ©, le pĂšre de la quotidiennetĂ© ». Câest ce dernier que jâai appelĂ© par ailleurs de maniĂšre un peu caricaturale Le pĂšre primaire GĂ©rard, 2004. Il nous parait important de mettre en relief ce pĂšre du quotidien qui vit avec lâenfant car dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la question du pĂšre en psychanalyse est abordĂ©e dans la suite des travaux de Freud dans Totem et tabou, oĂč le pĂšre est considĂ©rĂ© principalement dâun point de vue phylogĂ©nĂ©tique, le meurtre du pĂšre de la horde primitive sây dĂ©clinant alors en une culpabilitĂ© dont un des termes allait devenir sous la plume de Freud Lâidentification au pĂšre de la prĂ©histoire personnelle et par ailleurs le surmoi ; cela amenant Ă considĂ©rer le pĂšre principalement dâun point de vue symbolique. Cette question du pĂšre du dĂ©but de la vie psychique a Ă©tĂ© abordĂ©e par plusieurs auteurs postfreudiens, Ă©videmment chacun Ă leur maniĂšre. - On peut ainsi citer MĂ©lanie Klein 1928 et sa conception de lâOEdipe prĂ©coce, complĂ©tĂ© par ce quâelle en dit Ă la fin de son oeuvre en 1945 lorsquâelle Ă©voque dans une note de son article Le complexe dâOEdipe Ă©clairĂ© par les angoisses prĂ©coces En mâattardant sur la relation fondamentale du petit enfant au sein maternel et au pĂ©nis paternel, et sur les situations dâangoisse et les dĂ©fenses qui en parviennent, je ne pense pas seulement Ă des objets partiels. En fait ces objets sont associĂ©s dĂšs le dĂ©but dans la pensĂ©e de lâenfant, Ă sa mĂšre, et Ă son pĂšre. Les expĂ©riences quotidiennes avec les parents, la constitution de la relation inconsciente avec eux en tant quâobjets internes, viennent sâajouter Ă ces objets partiels primitifs et accroĂźtre leur relief dans lâinconscient de lâenfant ». Câest un point de vue intĂ©ressant puisque MĂ©lanie Klein dans cette citation prend en compte non seulement la fantasmatique inconsciente de lâenfant, mais aussi son vĂ©cu dans la rĂ©alitĂ©. - Jacques Lacan 1958 particuliĂšrement dans son sĂ©minaire Les formations de lâinconscient dans les trois chapitres La forclusion du nom du pĂšre, La mĂ©taphore paternelle, Les trois temps de lâOEdipe. Je voudrais souligner Ă propos de cet auteur que, si on a put lui faire le reproche dâune thĂ©orie trop centrĂ©e sur la symbolique paternelle, on peut noter la position originale pour lâĂ©poque quâil a par rapport Ă ce quâil appelle la symbolisation primordiale entre la mĂšre et lâenfant et qui me parait proche de la symbolisation primaire telle quâon en parle aujourdâhui âŠmĂȘme si elle est un ĂȘtre mal adaptĂ© Ă ce monde de symbole ou qui en a refusĂ© certains Ă©lĂ©ments, cette symbolisation primordiale ouvre tout de mĂȘme Ă lâenfant la dimension de ce que la mĂšre peut dĂ©sirer dâautre, comme on dit sur le plan imaginaire. Câest ainsi que le dĂ©sir de lâAutre fait son entrĂ©eâŠde façon concrĂšte⊠». Nâest-ce pas lĂ une formulation proche de la censure de lâamante » que je vais Ă©voquer en parlant de Michel Fain ? - Claude Le Guen 1975 et sa conception du non-mĂšre » Cet auteur sâest intĂ©ressĂ© lui aussi aux relations originaires de lâenfant particuliĂšrement sous lâangle du dĂ©veloppement du moi, ce quâil appelle lâĂ©veil du moi ». Pour Le Guen, le moi de lâenfant existe et se constitue en mĂȘme temps que lâobjet, le tĂ©moin de cette Ă©tape du dĂ©veloppement en seraient les conditions du dĂ©clenchement de lâangoisse Ă la vue de lâĂ©tranger. Cela se situerait entre six et neuf mois Ă lâĂąge de la survenue de la peur de lâĂ©tranger ». La mĂšre est dĂ©signĂ©e comme lâobjet reconnu en tant que tel et pouvant donc ĂȘtre perdue. LâĂ©tranger troisiĂšme personnage est celui qui vient dĂ©signer cette perte sans ĂȘtre lui-mĂȘme investi comme objet prĂ©cise lâauteur. Il signifie la perte de la mĂšre et est la marque de son interdit. Le Guen le nomme non-mĂšre, pure nĂ©gativitĂ© souligne-t-il nâexistant que par la non-existence de la mĂšre. Lâauteur âŠpropose de considĂ©rer cette situation, telle quâelle est postulĂ©e par la peur de lâĂ©tranger, comme Ă©tant lâexpression dâun modĂšle structurant et organisateur celui du complexe dâĆdipe originaire. » Ce non-mĂšre permettra dâĂ©tayer lâimago du pĂšre. - Piera Aulagnier. Dans son livre La violence de lâinterprĂ©tation 1975, sa thĂ©orisation lâamĂšne Ă considĂ©rer que le plaisir du corps de lâenfant apprend Ă dĂ©couvrir un autre-sans-sein mais qui peut nĂ©anmoins se rĂ©vĂ©ler pour lâensemble de ses zones fonctions Ă©rogĂšnes source de plaisir, devenir une prĂ©sence quâon dĂ©sire, mĂȘme si elle est souvent la prĂ©sence qui dĂ©range. LâentrĂ©e du pĂšre sur la scĂšne psychique obĂ©it Ă la condition universelle rĂ©glant cet accĂšs pour tout objet ĂȘtre source dâune expĂ©rience de plaisir qui en fait pour la psychĂ© un objet dâinvestissement. » - Michel Fain et son texte sur La censure de lâamante parle du dĂ©sir paternel ressenti dâemblĂ©e, ce qui nous parait bien rendre compte dâun pĂšre rĂ©el, important dans sa rencontre prĂ©coce avec lâenfant âŠla mĂšre redevenant femme rompt lâidentification primaire, et libĂšre de ce fait les potentialitĂ©s instinctuelles du ça de lâenfant. Câest ce qui mâa amenĂ© Ă parler de la censure de lâamante sâexerçant dâemblĂ©e sur ces potentialitĂ©s susceptibles de gĂȘner le dĂ©sir paternel. Ainsi, dans de bonnes conditions, le ça de lâenfant se trouve prĂ©cocement confrontĂ© au dĂ©sir paternel. » Il me parait important de souligner que dans cette citation, Michel Fain parle du dĂ©sir paternel pouvant ĂȘtre ressenti directement par lâenfant ; dĂ©sir Ă son Ă©gard et dĂ©sir pour la mĂšre. Il perçoit donc dĂšs cette Ă©poque la diffĂ©rence qualitative des dĂ©sirs de ses deux parents. - Jean-Luc Donnet qui dans son travail sur lâidentification primaire considĂšre que celle-ci ⊠dĂ©signerait, au sein des liens primitifs de la symbiose, un pĂŽle anti-çaĂŻque », prĂ©sexuel, prĂ©symbolique ». Il Ă©voque aussi le caractĂšre anaclitique du lien au pĂšre dans le texte de Freud Pour introduire le narcissisme, considĂ©rant que le pĂšre a toujours Ă©tĂ© dĂ©jĂ lĂ , et sâil vient en second », câest toujours dans une temporalitĂ© de lâaprĂšs-coup ». Cette rapide revue de textes de Freud et dâauteurs postfreudiens montre que ce pĂšre du dĂ©but est Ă©voquĂ© dans plusieurs travaux non nĂ©gligeables. Mais force nous est dâobserver quâon nây fait que peu rĂ©fĂ©rence. Peut-ĂȘtre parce quâune telle approche remettrait en question ce qui nâest pas le cas la dyade mĂšre-enfant qui est Ă la base de bien des thĂ©ories psychanalytiques ? Câest dans cette perspective dâune approche plus systĂ©matisĂ©e des relations entre le pĂšre et lâenfant au dĂ©but de la vie psychique, que je situerai mon propos. Avec cette prĂ©cision que cet accent mis sur ces liens prĂ©coces nâĂ©carte en rien la prĂ©valence des relations avec la mĂšre, que le principe gĂ©nĂ©ral de la triangulation apportĂ©e par les deux parents auprĂšs de lâenfant. De mĂȘme, cette idĂ©e ne remet pas en question le principe gĂ©nĂ©ral dâun pĂšre de la prĂ©maturitĂ© qui incarnerait dĂšs le dĂ©but lâambivalence inhĂ©rente au complexe paternel, ce que la nĂ©vrose de contrainte met caricaturalement en relief le pĂšre impitoyable et le pĂšre adulĂ© ». Rappelons que Freud, reprenant les travaux dâAbraham, relie lâapparition des premiĂšres marques de lâambivalence de lâidentification primaire au stade sadique-oral. Câest cette phase de lâincorporation orale que Freud met Ă©troitement en lien avec lâidentification primaire. Cela soulignĂ© pour prĂ©ciser une nouvelle fois la diffĂ©rence entre la relation pĂšre-enfant et mĂšre-enfant ; dâemblĂ©e, nous ne sommes pas dans le mĂȘme registre, mĂšre et pĂšre sont diffĂ©renciĂ©s. Ce que Freud 1921 dĂ©veloppera dans le chapitre sur lâidentification dans Psychologie des masses et analyse du moi, apportant des Ă©lĂ©ments essentiels. Lâidentification au pĂšre Ă©voquĂ©e dans un registre oedipien lâest aussi dĂšs le dĂ©but » Lâidentification est au demeurant ambivalente dĂšs le dĂ©but, elle peut tout aussi bien se tourner vers lâexpression de la tendresse que vers le souhait de lâĂ©limination. Elle se comporte comme un rejeton de la premiĂšre phase orale de lâorganisation de la libido, dans laquelle on sâincorporait, par le fait de manger, lâobjet dĂ©sirĂ© et prisĂ©, et ce faisant on lâanĂ©antissait en tant que tel. » Comme le disait Freud Lâidentification est la forme la plus prĂ©coce et la plus originelle de la liaison de sentiment », cela pouvant concerner la relation avec la mĂšre, mais aussi celle avec le pĂšre au dĂ©but de la vie. Dans ces liens de la prĂ©maturitĂ©, lâidentification primaire joue un rĂŽle de premier plan et amĂšne, comme nous lâavons soulignĂ©, la marque dâune ambivalence dâemblĂ©e prĂ©sente dans la relation pĂšre-enfant. Cette caractĂ©ristique de la relation avec le pĂšre la diffĂ©rencie clairement de la relation primaire avec la mĂšre. Mais si lâon prend en compte ce lien pĂšre-enfant Ă la mĂȘme Ă©poque et ses effets sur la psychĂ©, nous pouvons postuler que, sans remettre en question lâidentification au pĂšre de la prĂ©histoire personnelle telle que Freud 1923 la dĂ©finit particuliĂšrement dans Le moi et le ça, lâidentification au pĂšre pourrait, elle aussi, ĂȘtre dĂ©finie comme lâest lâidentification primaire Ă la mĂšre. Cette identification au pĂšre serait donc antĂ©rieure au choix dâobjet, mais appartenant aussi Ă cette catĂ©gorie de lien primaire dans lequel investissement dâobjet et identification ne sont pas Ă distinguer lâun de lâautre » pour reprendre la formule de Freud dans Le moi et le ça. On peut en effet penser, que la proximitĂ© avec le pĂšre inclut des vĂ©cus affectifs et sensoriels qui font trace dans le psychisme en devenir de lâinfans. Freud parle ainsi dans la citation dĂ©jĂ Ă©voquĂ©e Dâune vision du monde âŠdâimage mnĂ©sique du pĂšre de lâĂ©poque enfantine. » Cette conception des relations avec le pĂšre est cohĂ©rente avec un point de vue Ă©conomique considĂ©rant que le narcissisme le plus prĂ©coce nâexclut pas la possibilitĂ© des investissements dâobjet, comme cela est possible dans la relation avec la mĂšre. De mĂȘme, cette idĂ©e dâun pĂšre perçu dĂšs le dĂ©but par lâenfant nâest pas en contradiction avec le principe dâune dualitĂ© mĂšre-enfant parfois qualifiĂ©e de symbiose primaire ou de dyade. On peut en effet considĂ©rer que dans les stades du dĂ©but du dĂ©veloppement psychique, les objets mĂšre et pĂšre sont diffĂ©renciĂ©s dans la rĂ©alitĂ© au-dehors », ce que le moi du sujet ne peut encore percevoir comme tel du fait de sa maturation en cours. Ils ne sont donc pas nĂ©cessairement diffĂ©renciĂ©s au niveau du psychisme du sujet au-dedans », ce nâest quâultĂ©rieurement que se diffĂ©rencieront les imagos. A ce stade, il ne sâagit que de traces qui nâouvriront sur une diffĂ©renciation interne quâavec la construction progressive du moi. Lâenjeu est important si on accepte de considĂ©rer que le pĂšre de la quotidiennetĂ©, affectif et corporel, a un rĂŽle dans lâapparition de ce pĂŽle prĂ©sexuel, prĂ©symbolique. Lâaffect est en effet essentiel dans ce temps mystĂ©rieux de lâaube de la vie psychique, ce dont rend bien compte la belle dĂ©finition du pictogramme chez Piera Aulagnier 1975 affect de la reprĂ©sentation et reprĂ©sentation de lâaffect ». Un point essentiel nous parait ĂȘtre de considĂ©rer que si le sujet ne peut diffĂ©rencier les objets mĂšre et pĂšre, il peut sans doute trĂšs tĂŽt percevoir la diffĂ©rence de leur pulsionnalitĂ© du fait de relations corporelles, sensorielles, psychiques diffĂ©rentes. Câest dans cette perspective que sâinscrirait la perception du pĂšre dĂšs le dĂ©but par lâinfans, non pas reconnu comme tel, mais dans une diffĂ©rence, prĂ©curseur des premiĂšres triangulations. Cet investissement pulsionnalisĂ© et diffĂ©renciĂ© du sujet par chaque parent, rencontrant la propre pulsionnalitĂ© du sujet, lequel ferait preuve dâune rĂ©ceptivitĂ© Ă la pulsionnalitĂ© des objets primaires, comme Ă la complexitĂ© de leurs modes de gestion de leurs mouvements pulsionnels, permettrait lâentrĂ©e dans le prĂ©symbolique et le prĂ©sexuel. Ce pĂšre du dĂ©but » tel que nous le dĂ©crivons, incarnĂ©, sensoriel, est Ă diffĂ©rencier du pĂšre symbolique dont le rĂŽle est principalement de trianguler la relation avec la mĂšre sur le principe de la conflictualitĂ© Ćdipienne. Il est aussi Ă diffĂ©rencier du pĂšre de lâĆdipe prĂ©coce de MĂ©lanie Klein car dans ma façon de voir les choses, lâinfans perçoit la diffĂ©rence de pulsionnalitĂ© de ses deux parents avant de percevoir lâaspect sexuel et Ćdipien de leur lien. Ce pĂšre nâest pas non plus le pĂšre dans la tĂȘte de la mĂšre » qui est en fait un pĂšre Ćdipien, organisĂ© Ă partir du complexe dâĆdipe de la mĂšre. Ce nâest pas un rival de la mĂšre, ni un substitut, ni un pĂšre mimant la mĂšre dans un rĂŽle maternant, il est identifiĂ© auprĂšs de lâenfant par son investissement et sa propre pulsionnalitĂ©. Comme on le voit, il y a plusieurs pĂšres, celui du dĂ©but de la vie de lâenfant que jâai appelĂ© pĂšre primaire », le pĂšre symbolique qui triangule par principe et bien sĂ»r dans la rĂ©alitĂ©, le pĂšre dans la tĂȘte de la mĂšre » qui lui permet bien Ă©videmment dâassurer la loi et la triangulation en lâabsence du pĂšre ou dâun de ses substituts. Dans cette perspective, nous retrouvons les dĂ©veloppements du rapport du CongrĂšs de 2013 de Christian Delourmel sur ce quâil appelle le couple inhibition/tiercĂ©isation. Je pense en effet que la relation avec ce pĂšre du dĂ©but de la vie psychique conditionne lâĂ©laboration des symbolisations primaires que je dĂ©finis comme organisatrices du moi corporel, prises dans la relation affective avec lâobjet, organisant les premiĂšres diffĂ©renciations dedans/dehors, contenant/contenu, bon/mauvais. Ce qui permet alors la diffĂ©renciation du moi-rĂ©el dĂ©finitif Ă partir du moi-plaisir initial tel que Freud 1925 le dĂ©finit dans La nĂ©gation. Ces symbolisations primaires permettront lâĂ©laboration des premiĂšres triangulations. Dans ma façon de concevoir ces premiers temps de la vie psychique, une atteinte portĂ©e aux symbolisations primaires aurait pour consĂ©quence une source de confusion au niveau du moi naissant liĂ©e aux difficultĂ©s dans les diffĂ©renciations contenant/contenu empĂȘchant alors cette fin de la mobilitĂ© de la pulsion » dont parle Freud dans Pulsions et destins des pulsions. Câest dans ce manque que sâorganiserait la pathologie des premiĂšres inhibitions avec des suites possibles sur les processus de refoulement, lâĂ©laboration de la conflictualitĂ© Ćdipienne et les inhibitions secondaires. Dans ma conception de lâinhibition primaire GĂ©rard 2009, je suis proche Ă la fois de la conception de Freud 1895 dans LâEsquisse dâune psychologie scientifique oĂč le moi se voit investi de la fonction dâinhiber les processus primaires, et en accord avec la dimension Ă©conomique de limite du passage de quantitĂ© telle quâelle sera dĂ©veloppĂ©e dans la 2Ăšme topique. Les liens entre lâinhibition et les processus primaires sont en effet Ă©voquĂ©s par Freud dans Lâesquisse dans ce quâil appelle Ă cette Ă©poque expĂ©rience de satisfaction ». Le moi se voit investi de la fonction dâinhiber les processus primaires consistant en une libre circulation de lâexcitation jusquâĂ lâimage. Lâinhibition a ainsi trĂšs tĂŽt une fonction essentielle, liĂ©e Ă lâĂ©tat de dĂ©tresse infantile, Ă lâ Hiflosigkeit », au plus proche de la naissance psychique. Il y a lĂ une dimension Ă©conomique de limite de passage de quantitĂ© dont on sait lâimportance quâelle aura dans la 2Ăšme topique, prenant toute sa valeur dans les pathologies traumatiques, narcissiques et limites. Mais la notion dâinhibition renvoie bien sĂ»r aussi, Ă la conception freudienne de 1926 dâInhibition, symptĂŽme et angoisse, Ă une forme de renoncement mettant au premier plan une fonction du moi faisant lâĂ©conomie dâun conflit ou Ă©vitant les consĂ©quences des processus de refoulement, ce dont le patient Ă©tat-limite serait privĂ©, le laissant ainsi confrontĂ© Ă ses angoisses du fait de la difficultĂ©, voire de lâimpossibilitĂ© Ă constituer des symptĂŽmes. On rencontre ainsi chez ces patients des angoisses sans objet ou encore la difficultĂ© de constituer des phobies dans lâenfance. Cet Ă©vitement du refoulement amĂšne Ă considĂ©rer ce qui se passe antĂ©rieurement Ă ce processus, et donc Ă sâinterroger sur les relations possibles entre lâinhibition et lâintĂ©gration des premiĂšres expĂ©riences. Au-delĂ des relations de lâinhibition avec le moi, la question se poserait des liens entre lâinhibition et des mĂ©canismes telle que lâidentification primaire, donc bien avant la pĂ©riode Ćdipienne. Ă lâinverse, pourront aussi se dĂ©velopper des formes dâexcitation psychique retrouvĂ©es dans la pathologie de certains enfants en difficultĂ© et des patients Ă©tats-limite. En effet, les premiers freinages pulsionnels, ainsi que les prĂ©mices de la rencontre avec lâobjet qui sera progressivement perçu et diffĂ©renciĂ©, dĂ©coulent de la qualitĂ© de ces premiĂšres inhibitions. On peut en effet imaginer quâune atteinte portĂ©e Ă ces Ă©lĂ©ments, laisse le sujet dans une forme dâexcitation qui ne permet pas les diffĂ©renciations les plus Ă©lĂ©mentaires ; cet ensemble conditionnĂ© par lâinhibition primaire peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un prĂ©alable Ă la mise en place du fantasme de scĂšne primitive, dont on connait lâimportance pour le dĂ©veloppement de la conflictualitĂ© Ćdipienne. Les troubles des premiĂšres diffĂ©renciations moi-rĂ©el, moi-plaisir pourraient porter atteinte Ă lâinstauration de ce fantasme originaire en empiĂ©tant sur la possibilitĂ© dâinstaurer un fantasme de scĂšne primitive uniquement fantasmatique GĂ©rard, 2010. Comme si une forme de doute sâinstaurait, amenant le sujet Ă un accrochage dans le perceptif qui prendrait alors le pas sur lâendopsychique, pouvant perdurer tout au long de la vie comme dans le cas des patients Ă©tats limite. Câest ce qui amĂšnerait ces patients Ă toujours rechercher un contact perceptif avec lâanalyste, rendant ainsi parfois difficile le passage au cadre classique divan-fauteuil ; la disparition de lâanalyste du champ visuel du patient renvoyant sans doute ce dernier Ă des troubles des premiĂšres symbolisations telles que nous les avons dĂ©finies. Je reviens Ă la question des premiĂšres symbolisations. Leur qualitĂ© conditionne lâaccĂšs aux symbolisations secondaires. Ces derniĂšres sont les symbolisations qui permettent lâentrĂ©e dans le monde secondarisĂ©, et Ă lâenfant dâaccĂ©der aux apprentissages et Ă un monde fantasmatique nuancĂ© et apaisĂ©. En derniĂšre extrĂ©mitĂ©, leur dysfonctionnement, leur manque jusquâĂ la question de la forclusion conduit le sujet vers la psychose. Mais cette question des symbolisations primaires et secondaires est Ă aborder de maniĂšre plus nuancĂ©e et plus compliquĂ©e car elle apparait frĂ©quemment dans notre clinique sous des formes plus discrĂštes. Sans doute tout dâabord dans la clinique des enfants dysmatures, hypermatures, ou plus encore dysharmoniques, dont le moi sâest dĂ©veloppĂ© de maniĂšre hĂ©tĂ©rogĂšne donnant le sentiment dâun fonctionnement bancal. Ce sont des enfants qui prĂ©sentent des rĂ©sultats complexes, lorsquâils passent un bilan psychologique, les performances sont en dĂ©calage avec les aspects affectifs, Ă©motionnels de la personnalitĂ©. Il sâagit lĂ probablement du dĂ©veloppement de symbolisations secondaires Ă©tayĂ©es par des symbolisations primaires constituĂ©es dans des conditions de dĂ©but de vie difficiles pour lâenfant. On retrouve ce type de difficultĂ©s chez les patients adultes souffrant de troubles narcissiques, ceux quâon appelle les Ă©tat-limite, pouvant par exemple prĂ©senter une rĂ©ussite sociale importante avec parfois des postes de haute responsabilitĂ© et qui par ailleurs se retrouvent dans des situations personnelles, Ă©motionnelles, compliquĂ©es et douloureuses, confrontĂ©s aussi Ă des angoisses souvent sans objet. On reconnait lĂ rapidement dĂ©crits, les patients rencontrĂ©s dans la clinique actuelle. LĂ encore, les aspects dysharmoniques de leur personnalitĂ© Ă©voquent un dĂ©veloppement dans lequel les alĂ©as de lâorganisation des premiĂšres symbolisations nâont pas permis un dĂ©veloppement harmonieux de la personnalitĂ©. Cela permet de sâinterroger sur le fait que les patients Ă©tat-limite rencontrĂ©s dans la clinique adulte pourraient ĂȘtre les enfants dysharmoniques rencontrĂ©s dans les consultations pour enfant. Avec comme arguments que les uns comme les autres, outre les troubles des symbolisations primaires Ă©voquĂ©s, prĂ©sentent des carences des processus de refoulement, des difficultĂ©s dâentrĂ©e dans la conflictualitĂ© Ćdipienne, une qualitĂ© dâangoisse souvent sans objet. Bien sĂ»r, il nâest pas nouveau de mettre ainsi lâaccent sur la qualitĂ© des premiĂšres relations objectales dans les processus de symbolisation. Mais je voudrais aussi mettre en relief le rĂŽle de ces symbolisations primordiales dans le deuil des objets primaires et dans les dĂ©fenses maniaques. Peut-ĂȘtre devrions-nous parler plutĂŽt de deuil des reprĂ©sentations des objets primaires, puisquâau moment oĂč ces questions se posent chez les patients adultes, ce sont des objets inconscients. Mais lâimportant est que ces symbolisations primordiales ont une fonction essentielle dans la diffĂ©renciation de lâobjet et en consĂ©quence sur lâindividuation du sujet puisquâelles permettent les premiĂšres diffĂ©renciations contenant-contenu. On peut aussi faire lâhypothĂšse que la persistance dans lâinconscient dâimagos indiffĂ©renciĂ©es est en lien avec cette pathologie du deuil primaire. Si le pĂšre ne peut tenir une place suffisamment organisatrice dâune triangulation prĂ©coce de bonne qualitĂ© au dĂ©but de la vie, il y aurait alors une atteinte portĂ©e aux premiĂšres symbolisations gĂ©nĂ©rant comme nous lâavons Ă©voquĂ© une forme de confusion au niveau du moi du fait des difficultĂ©s Ă diffĂ©rencier le contenant et le contenu. Câest dans ce manque que sâenracinerait la pathologie de lâinhibition, ce que nous avons retrouvĂ© dans notre clinique lorsque le pĂšre reste mystĂ©rieusement endeuillĂ© depuis toujours. » Les identifications primaires dont il est porteur sont alors infiltrĂ©es par ses propres identifications dĂ©pressives, en fait le plus souvent mĂ©lancoliques dans les cas les plus graves. La confusion est une source dâinhibition. Un trouble des premiĂšres inhibitions en serait la consĂ©quence sur le modĂšle du couple inhibition-dĂ©pression du monde secondarisĂ©. Le cas de lâHomme aux loups va dans ce sens, Ă©voquant un enfant confrontĂ© Ă un pĂšre dĂ©primĂ©, voire mĂ©lancolique. Ces identifications possibles Ă lâobjet de lâobjet ou aux identifications des parents, rendent compte dâune perspective transgĂ©nĂ©rationnelle et de transmission de troubles apparemment magiques pouvant sauter une ou plusieurs gĂ©nĂ©rations. Sâil est vrai que dans lâhistoire de lâHomme aux loups tel que Freud lâĂ©voque, le phylogĂ©nĂ©tique fut un recours pour lui lorsquâil voulut prouver la pertinence de ses thĂ©ories sur la scĂšne originaire, lâexemple de ce cĂ©lĂšbre patient de Freud renvoie aussi Ă lâimportance du pĂšre de la rĂ©alitĂ©. On se souvient Ă ce propos que le pĂšre de SerguĂ« fut un pĂšre trĂšs prĂ©sent et trĂšs proche de son fils. Un pĂšre primaire » pourrait-on dire, trĂšs attentif Ă tout ce qui concernait son fils prĂ©cocement. On peut se rappeler aussi de la mĂšre dĂ©crite implicitement comme un objet primaire carenciel. Le cas de lâHomme aux loups me parait illustrer de maniĂšre Ă©vidente le fait que les pathologies ne sont pas toujours en lien avec la relation maternelle prĂ©coce. On y retrouve une mĂšre apparemment froide et un pĂšre mĂ©lancolique ou presque. Incidences sur la clinique. Un des intĂ©rĂȘts de suivre mon point de vue pourrait ĂȘtre de considĂ©rer quâil ouvrirait sur la clinique. Je vais reprendre le 1er cas dâun des rapports du CongrĂšs sur le Paternel, celui de Christian Delourmel, pour illustrer mon propos. LâhypothĂšse dâune diffĂ©renciation de la pulsionnalitĂ© perçue prĂ©cocement par le sujet dĂšs le dĂ©but de la vie psychique comme je lâai Ă©voquĂ©e, permet de penser quâelle se retrouverait dans la relation transfĂ©rentielle de la cure psychanalytique. De la mĂȘme maniĂšre quâon peut parler dâun transfert paternel et dâun transfert maternel, il serait possible de considĂ©rer que les transferts archaĂŻques rencontrĂ©s dans les traitements des patients Ă©tat-limite et des enfants en grande difficultĂ© ne sont pas indiffĂ©renciĂ©s ils pourraient sâorganiser dans un registre de transfert maternel primaire mais aussi dans un registre de transfert paternel primaire. Dans son rapport, lâauteur nous parle dâun patient dont les difficultĂ©s ont commencĂ© dĂšs la toute petite enfance Ă©nurĂ©sie, encoprĂ©sie, troubles du langage, anorexie, hypothĂšse dâune capsule autistique », troubles sâĂ©tant ensuite dĂ©veloppĂ©s tout au long de sa vie. Lâabsence de rĂȘve et les activitĂ©s dĂ©bordantes amĂšnent Ă sâinterroger sur la qualitĂ© des inhibitions du dĂ©but de la vie telles que je les ai Ă©voquĂ©es et sur les premiers freinages pulsionnels. Un manque dans les premiĂšres triangulations aurait-il portĂ© atteinte Ă lâorganisation des symbolisations primordiales ? Le cocon, la capsule dans laquelle il se sent enfermĂ©, renverraient-ils Ă un impossible deuil de lâobjet primaire, un enfermement avec une imago indiffĂ©renciĂ©e jusquâĂ la rencontre avec son analyste ? Pourrait-on entendre cette extraction de la vielle carcasse de homard » comme un travail dans le registre dâune relation transfĂ©rentielle paternelle telle que je viens de la dĂ©finir, permettant ce deuil et une sortie de cette relation pathogĂšne ? Les rĂ©sultats de ce travail dans le contexte de ce transfert particulier ouvrent Ă la diffĂ©renciation des imagos maternelle et paternelle. Ce qui est visible lorsque le patient Ă©voque Mon pĂšre, transparent, collĂ©, englobĂ© Ă ma mĂšre⊠» et quâensuite, aprĂšs quâait pu ĂȘtre Ă©laborĂ© le fantasme de scĂšne primitive, apparait clairement la reprĂ©sentation des deux parents. Un exemple dâinterprĂ©tation illustrant cette hypothĂšse pourrait ĂȘtre ce que dit lâanalyste lorsque le patient Ă©voque une nouvelle fois la scĂšne du dĂ©shabillage de la mĂšre. Lâauteur du rapport se souvient Ă ce moment dâune sĂ©ance au cours de laquelle le patient avait parlĂ© de son pĂšre rĂ©parant un mur et lui dit Vous aligniez vos formules de maths comme votre pĂšre montait des briques, pour mettre un mur entre votre mĂšre et vous ? Pour quâelle ne lise pas dans votre regard un dĂ©sir de mĂąle ? Comme le mur de paroles que vous montez ici entre vous et moi ? » De notre point de vue lâanalyste se place avec cette interprĂ©tation comme triangulant la relation mĂšre-fils dans un transfert paternel primaire puisque lâinterprĂ©tation de Delourmel Ă propos de ce mur de paroles montĂ© entre le patient et lui, fait Ă©cho aux propos de Mr H qui disait quâil se sentait envahi par le corps de sa mĂšre » quand il avait Ă©voquĂ© ce souvenir. Par ailleurs, du point de vue de son contre-transfert, lâauteur du rapport ne se situe-t-il pas lĂ encore dans une position paternelle telle que nous la dĂ©finissons, lorsquâil sâinterroge sur le discours mur du son â mur de sons » de son patient ayant eu pour fonction dâassurer, dans la situation analytique, celle dâun mur-Ă©cran-bouclier opaque interne visant Ă le protĂ©ger dâune imago de mĂšre phallique projetĂ©e sur lâanalyste » ? Une triangulation prĂ©coce dans le transfert pourrait-on dire. LâintĂ©rĂȘt du repĂ©rage dâun transfert dont la qualitĂ© pourrait ĂȘtre qualifiĂ©e de paternel primaire est de permettre dâenvisager une stratĂ©gie interprĂ©tative diffĂ©rente dâun registre de transfert archaĂŻque de type maternel. SchĂ©matiquement, le premier se situerait dans un contexte triangulant et sĂ©parateur câest lâexemple dans le cas du patient de Christian Delourmel quand le second serait globalement plus contenant. Pour terminer et pour rĂ©sumer Jâai soulignĂ© lâimportance accordĂ©e au pĂšre de la prĂ©histoire et particuliĂšrement au pĂšre de la quotidiennetĂ©. Ce pĂšre de la rĂ©alitĂ© affective et corporelle de lâenfant mâapparait en effet important Ă prendre en compte dans sa contribution Ă lâĂ©laboration des symbolisations primaires, des triangulations prĂ©coces, des premiers freinages pulsionnels et de lâĂ©laboration des prĂ©mices du fantasme de scĂšne originaire. Dans cette perspective, la perception par lâenfant dĂšs le dĂ©but de la vie psychique, de la diffĂ©rence de la pulsionnalitĂ© maternelle et paternelle, me semble un Ă©lĂ©ment essentiel de la discussion. LâhypothĂšse dâune diffĂ©renciation des transferts archaĂŻques en transfert maternel primaire et paternel primaire en dĂ©coulerait. Sa reconnaissance par lâanalyste peut permettre une ouverture dans la cure analytique des patients Ă©tats limite et des enfants en grande difficultĂ©, pour lesquels les analystes sont parfois dĂ©munis, confrontĂ©s au caractĂšre dĂ©sorganisĂ© et dĂ©sorganisant de certains transferts archaĂŻques, prĂ©Ćdipiens. ConfĂ©rences dâintroduction Ă la psychanalyse, 13 FĂ©vrier 2014 RĂ©fĂ©rences bibliographiques Aulagnier P. 1975, La violence de lâinterprĂ©tation, PUF. Delourmel C., 2013, De la fonction du pĂšre au principe paternel, Revue Française de Psychanalyse, t. LXXVII, spĂ©cial congrĂšs. Donnet 1995, Surmoi I, Monographies de la Revue Française de Psychanalyse, PUF. Fain M., 1971, PrĂ©lude Ă la vie fantasmatique, RFP, vol. 35, n° 2-3. Freud S., 1897, Lettre Ă Fliess 123 â 6avril 1896, PUF, 2006. Freud S. 1921, Psychologie des masses et analyse du moi, OCF, XVI, Paris, Puf, Freud S. 1923, Le Moi et le Ăa, OCF, XVI, Paris, Puf. Freud S. 1925, La nĂ©gation, OCF, XVII, Paris, Puf. Freud S. 1932, Dâune vision du monde, 35Ăšme Nouvelle suite des leçons dâintroduction Ă la psychanalyse, OCF t. XIX, p. 247, Paris, Puf. GĂ©rard C. 2004, Le pĂšre, un objet primaire, Revue Française de Psychanalyse, vol. 68, n° 5 spĂ©cial congrĂšs. GĂ©rard C. 2009, Lâinhibition et ses liens avec le pĂšre primaire, Revue française de psychanalyse, n°2, pp 369-385. GĂ©rard C. 2010, Les triangulations prĂ©coces, un prĂ©alable Ă la scĂšne primitive, Revue Française de Psychanalyse, t. LXXIV, n° 4. Klein M., 1945, Le complexe dâOEdipe Ă©clairĂ© par les angoisses prĂ©coces, in Essais de psychanalyse, Payot, 1968 Lacan J., 1958, Les trois temps de lâĆdipe, in Le SĂ©minaire livre IV, Les formations de lâinconscient, Seuil.
PrĂ©sentation Lâadolescence rĂ©actualise les enjeux du lien pĂšre-fils Ćdipien mais aussi prĂ©Ćdipien. Les dĂ©sirs incestueux et parricides du pĂšre et du fils sont alors rĂ©activĂ©s. De la rĂ©solution de ceux-ci dĂ©pend la disparition de troubles potentiels liĂ©s Ă la proximitĂ© rĂ©elle et fantasmatique entre le pĂšre et le fils.
Abstract Index Outline Author's notes Text Bibliography Notes References About the author Abstracts Il sâagit de tirer quelques enseignements de la discussion relativement oubliĂ©e, entre Claude LĂ©vi-Strauss et Jacques Lacan. Le problĂšme porte essentiellement autour de la dĂ©finition de la notion du symbolique pour les deux auteurs puisque cette notion est toujours paradigmatique dans les deux disciplines, que sont lâanthropologie et la psychanalyse, sans pour autant ĂȘtre vĂ©ritablement Ă©quivalente. Il sâagit dâĂ©clairer ces rapports disciplinaires, tant au niveau Ă©pistĂ©mologique quâau niveau historique, notamment Ă partir des donnĂ©es de la clinique psychanalytique, comparables, dans une certaine mesure, aux problĂšmes relatifs au terrain ethnographique. Car au delĂ de leurs diffĂ©rences, la psychanalyse et lâanthropologie, nâontâelles pas en partage le paradigme symbolique contre le rĂ©ductionnisme naturaliste ou cognitivoâcomportemental qui prĂ©tend aujourdâhui monopoliser lâespace de la lĂ©gitimitĂ© Ă©pistĂ©mique ? This article aims to draw some lessons from a relatively forgotten discussion between Claude LĂ©vi-Strauss and Jacques Lacan. The problem is essentially that of the definition of the symbolic order symbolique. Indeed, this notion is always paradigmatic in their respective disciplines, without really being equivalent. Beyond their differences, do not psychoanalysis and anthropology share the symbolic paradigm against a naturalist or cognitive-behavioural reductionism that claims nowadays to monopolize the space of epistemic legitimacy? The article aims to clarify these disciplinary relations, on the epistemic level well as on the historical level, in particular using data from psychoanalytical psychiatry, which are partly comparable to problems relating to ethnographic fieldwork. Top of page Author's notes Je remercie chaleureusement RĂ©mi Bordes, sans qui, le prĂ©sent article nâaurait pas pu voir le jour, ni mĂȘme ĂȘtre Ă©crit. Ce dernier sâinscrit dans lâouvrage collectif quâil a dirigĂ©, Dire les maux 2008. Full text Jâai posĂ© la question suivante â le fonctionnement de la PensĂ©e sauvage, mis par LĂ©viâStrauss Ă la base des statuts de la sociĂ©tĂ©, est un inconscient, mais suffitâil Ă loger lâinconscient comme tel ? Et sâil y parvient, logeâtâil lâinconscient freudien ? Lacan, 1990 [1964] 1 Nous entendons le terme de symbolique, ou de paradigme symbolique », au sens gĂ©nĂ©ral oĂč il sâop ... 1On a souvent tendance Ă oublier quâĂ cette charniĂšre du XIXe et du XXe siĂšcle qui voit lâavĂšnement de nos sciences humaines actuelles, il Ă©tait alors question plutĂŽt de sciences de lâhomme » et non pas de sciences humaines ». Le glissement sĂ©mantique, on le sait, a toute son importance puisquâil signe un changement de paradigme celui dâune anthropologie biologique Ă une anthropologie qui sâintĂ©resse Ă la dimension symbolique1. 2 DâaprĂšs ces doctrines, le trouble psychique Ă©tait dĂ» Ă processus neuroâdĂ©gĂ©nĂ©ratif. 3 Il faut rappeler que Durkheim, fondateur de la sociologie, tout comme Ribot, fondateur de la psyc ... 2Or historiquement, la psychanalyse occupe une place assez singuliĂšre parmi les autres sciences humaines » elle se tient, pourraitâon dire, sur le front » dâun champ de bataille par lequel cellesâci se dĂ©tachĂšrent du paradigme naturaliste. En effet, Ă lâĂ©poque de Freud, le monopole de la lĂ©gitimitĂ© psychiatrique Ă©tait dĂ©tenu par une clinique biomĂ©dicale dominĂ©e par la doctrine de la dĂ©gĂ©nĂ©rescence de Kraepelin, la psychophysiologie et le scientisme en gĂ©nĂ©ral2. LĂ oĂč par dĂ©finition, lâon nâavait affaire quâĂ des corpsâobjets » ou Ă des comportements, la psychanalyse va sâoccuper de la parole du sujet » et introduire la dimension du symbolique. DĂšs son apparition, cette discipline eut certainement, plus que toute autre de ses consĆurs, Ă croiser le fer avec les conceptions naturalistes ou scientistes qui constituaient par dĂ©finition lâhorizon Ă©pistĂ©mologique, oĂč pourtant elle entendait se dĂ©ployer â rappelons que Freud, contrairement Ă la plupart des fondateurs des sciences humaines, nâĂ©tait pas philosophe3, mais mĂ©decin, et il en fut de mĂȘme pour Lacan. Ă cet Ă©gard, lâavĂšnement de lâanthropologie culturelle relĂšve davantage dâune coupure Ă©pistĂ©mologique et institutionnelle que du combat de rue » que dĂ»t mener dans son domaine la psychanalyse, et quâelle doit mener encore Ă lâheure actuelle pour exister elle est dâabord et toujours une immixtion dans le terrain de la psychiatrie biomĂ©dicale, elle est aussi un geste critique contre tout rĂ©ductionnisme scientifique, fĂ»tâil aujourdâhui comportemental ou cognitiviste. Câest Ă partir de cette idĂ©e selon laquelle il existe une certaine exemplaritĂ© Ă©pistĂ©mologique de sa situation que nous souhaitons commencer notre investigation. 3En effet, si lâon admet que la psychanalyse, plus que toute autre discipline, eut Ă sâaffronter aux rĂ©ductionnismes et aux scientismes de toutes sortes et que câest sa condition mĂȘme, lâĂ©lucidation de cette situation, tout en jetant quelques lumiĂšres sur la nature de son paradigme symbolique », ne pourraitâelle pas, par la mĂȘme occasion, jeter aussi quelques lumiĂšres sur le paradigme symbolique » anthropologique ? Car sâil est vrai que le symbolique » du psychanalyste nâest pas exactement la mĂȘme chose que le symbolique » de lâanthropologue, et que se marque par lĂ une grande partie de leurs diffĂ©rences disciplinaires que tous deux dĂ©fendent bien souvent becs et ongles », il nâen demeure pas moins que tous deux reconnaissent Ă cette catĂ©gorie une valeur Ă©pistĂ©mologique fondamentale, ne seraitâce, a minima, que pour se distinguer des perspectives naturalistes, biomĂ©dicales et scientistes. Donc, quâen estâil de cette notion de symbolique » que manipule aussi bien lâanthropologue que le psychanalyste ? Il semble important de revenir aux fondements de ce paradigme, dans la mesure oĂč il est ce qui les rassemble, dâun certain point de vue, en une mĂȘme communautĂ© scientifique ». 4 La citation complĂšte mĂ©rite lâattention pour donner un aperçu de son propos Il nây a pas dâau ... 5 Sur ces questions on se reportera Ă lâexcellente critique de Bernard Juillerat 2001 9-38 conc ... 6 Câest notamment le cas du trĂšs mĂ©diatisĂ© Livre noir de la psychanalyse oĂč les auteurs, aprĂšs avoi ... 7 Comment ne pas voir que les rĂ©cents dĂ©bats autour de lâefficacitĂ© thĂ©rapeutique de la psychanalys ... 4Enfin, last but not least, ce questionnement Ă©pistĂ©mologique fondamental, auâdelĂ de son intĂ©rĂȘt spĂ©cifique, paraĂźt dâautant plus pertinent quâon assiste aujourdâhui prĂ©cisĂ©ment Ă ce quâil faut bien appeler une renaissance du scientisme. Si les sciences humaines purent sâen dĂ©faire au cours de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle comme nous lâavons Ă©voquĂ©, force est de constater quâil est de nouveau de mode dans toutes les disciplines. On le trouve aussi bien Ă lâĆuvre dans lâanthropologie cognitiviste, telle celle que Dan Sperber dĂ©veloppe depuis les annĂ©es 90 Sperber, 1987, 1996, et selon laquelle il nây a pas dâexception aux lois de la physique » puisque dans le social, on est confrontĂ© au mĂȘme matĂ©riel »4 de telles dĂ©clarations laissent songeurâŠ5, quâen psychologie, oĂč se dĂ©veloppe lâapproche cognitivoâcomportementaliste. Par exemple, pour Varela ou Dortier, lâinconscient ne peut ĂȘtre que cognitif, câestâĂ âdire confondu avec les automatismes mentaux » Dortier, 1999 ; Varela, Thompson & Rosch, 1999. Il est Ă©vident que ces courants relĂšvent dâun phĂ©nomĂšne rĂ©pandu. Il sâagit explicitement dâĂ©radiquer la psychanalyse du champ de la lĂ©gitimitĂ© Ă©pistĂ©mologique et clinique6, tout comme lâanthropologie cognitive cherche Ă arraisonner lâanthropologie culturelle et symbolique. Et nâestâce pas ce que fait aussi la biomĂ©decine lorsque, contre lâanthropologie mĂ©dicale, elle prĂ©tend garder le monopole de la lĂ©gitimitĂ© thĂ©rapeutique ? Ce sont les mĂȘmes tendances que lâon constate dans le champ psy » et dans le champ anthropologique7. Les interrogations Ă©pistĂ©mologiques que nous tenterons de soulever sont donc dâautant plus dâactualitĂ© que tous ces nouveaux » courants partagent un certain idĂ©al de science avec les sciences naturelles, duquel nos disciplines se distinguent. Ce questionnement sur le paradigme symbolique sâinscrit dans une certaine urgence par rapport Ă un contexte thĂ©orique et politique dont on comprendra que lâon ne pouvait le passer sous silence. 8 Câest le cas dâune lecture qui semble devenir frĂ©quente et qui, mĂȘme si elle est incontestablemen ... 9 En effet, les rapports de Lacan Ă LĂ©viâStrauss ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© remarquablement explorĂ©s mais de mani ... 5Il se trouve que la dĂ©finition de cette fonction symbolique » fut discutĂ©e par deux des figures les plus illustres de lâanthropologie et de la psychanalyse Lacan et LĂ©viâStrauss. On a gĂ©nĂ©ralement coutume dâassocier ces deux Ćuvres sous la houlette du paradigme structuraliste8 ainsi certaines divergences pourtant essentielles, qui tiennent Ă une certaine vision du langage, des mots et de leur rapport Ă la vĂ©ritĂ©, ne sont pas explorĂ©es9. Câest la raison pour laquelle nous reprendrons certains aspects mĂ©connus de la discussion disciplinaire qui eut lieu entre Lacan et LĂ©viâStrauss, autour de la dĂ©finition de cette fonction symbolique ». PrĂ©cisons dâemblĂ©e quâil ne sâagit Ă©videmment pas de rĂ©duire lâanthropologie Ă LĂ©viâStrauss, ni la psychanalyse Ă Lacan il sâagit simplement de reprendre un dĂ©bat dont certains aspects semblent relativement oubliĂ©s, alors quâils sont nĂ©anmoins sans doute des plus fructueux et des plus propices pour tenter dâĂ©clairer certains problĂšmes Ă©pistĂ©mologiques fondamentaux dans nos disciplines, et notamment celle de leur scientificitĂ©. 10 On ne prĂ©sentera pas ici lâensemble des recherches dâanthropologie psychanalytique qui furent men ... 6Les rapports de lâanthropologie et de la psychanalyse, on le sait, furent houleux, parfois fĂ©conds10. Malheureusement, ils furent le plus souvent de part et dâautres marquĂ©s par le sceau du soupçon. Pourtant, on ne peut nier une certaine similaritĂ© entre les deux dĂ©marches la situation ethnographique vise Ă explorer les contextes qui permettent de rendre intelligibles les savoirs et les pratiques dâun groupe social ; lâapproche analytique opĂšre, en quelque sorte, de la mĂȘme maniĂšre par rapport au sujet car quâestâce donc que la clinique sinon son terrain » ? 11 Depuis Lâoedipe africain dâOrtigues 1966 la psychanalyse inspirĂ©e de Lacan nâa pas exprimĂ© gran ... 7Une des rĂ©centes tentatives pour fonder une nouvelle anthropologie psychanalytique » a proposĂ© un socle Ă©pistĂ©mologique Ă partir duquel il sâagissait de dĂ©finir la pertinence dâun croisement des deux disciplines Bidou, 2001 ; Juillerat, 2001 ; Galinier, 1997. Mais tout en reconnaissant le mĂ©rite Ă©vident de ce projet, on remarque que cette initiative Ă©mane dâabord dâanthropologues qui sâintĂ©ressent Ă la psychanalyse, et non lâinverse. Câest ainsi que leur point de vue nâest pas dâabord clinique, ce que lâon ne saurait Ă©videmment leur reprocher. De plus, la rĂ©fĂ©rence Ă Lacan est relativement peu exploitĂ©e11. Or, sans pour autant succomber au lacanoâcentrisme », nous voudrions montrer ici que, dans la clinique telle que lâĂ©labora Lacan, rĂ©sident des enjeux Ă©pistĂ©mologiques cruciaux et assez irrĂ©ductibles concernant la nature du symbolique ». Loin de pouvoir ĂȘtre rapportĂ©s Ă lâĂ©pistĂ©mologie de LĂ©viâStrauss, ces deniers ne sont pas sans rappeler les questionnements rĂ©flexifs relatifs Ă lâobtention des donnĂ©es de terrain soulevĂ©es par les anthropologues contemporains. 12 On pense ici notamment Ă lâouvrage de FavretâSaada qui fit date, Les mots, la mort, les sorts l ... 8En effet, pour Ă©rudits quâil furent, les anthropologues fondateurs, Ă©taient avant tout des anthropologues de cabinet » ils compilaient les donnĂ©es collectĂ©es par dâautres, Ă partir desquelles ils Ă©chafaudaient leurs thĂ©ories. Or cette posture mĂ©thodologique » ne fut pas sans effet, et câest peutâĂȘtre lâanthropologie contemporaine ou plus particuliĂšrement celle que lâon appelle postmoderne â Favret-Saada, 197712 qui dĂ©masqua le plus brillamment les illusions de lâancienne mĂ©thode en exhibant les questions problĂ©matiques du terrain ethnographiques. Non seulement les catĂ©gories sociales classiques ne sont pas lĂ©gitimes puisquâelles tendent Ă rĂ©ifier les agents sociaux, mais de surcroĂźt ces derniers sâavĂšrent aussi ĂȘtre des acteurs capables de stratĂ©gies et impliquĂ©s dans des jeux de langage dans lequel lâethnologue, luiâmĂȘme, se trouve pris. Or, on peut avancer quâĂ lâinstar du terrain ethnographique tel quâil se pratique aujourdâhui, la possibilitĂ© de toute clinique repose prĂ©cisĂ©ment sur de semblables jeux de langage et sur la place quây prennent le sujet et son analyste. On pourrait dire que, en quelque sorte, câest ce que Lacan explorera notamment sous le thĂšme de lâĂ©thique de la psychanalyse ». Mais ce questionnement nâĂ©tait-il pas inĂ©luctable Ă partir du moment oĂč le pĂšre fondateur de la psychanalyse, invente sa discipline prĂ©cisĂ©ment au contact de son terrain », la clinique de lâhystĂ©rie Freud, 1895 ? 13 Mieux encore, comme on le sait, elleâmĂȘme en dĂ©pend la production des faits de laboratoire sâin ... 9De ce dernier point de vue, on ne peut nier que lâapproche biomĂ©dicale comme lâapproche cognitivoâcomportementale du sujet semblent bien Ă©loignĂ©es de cette commune perspective dâune part, elles ne permettent pas de rendre compte de la complexitĂ© Ă©laborĂ©e par les acteurs sociaux, complexitĂ© qui sâinscrit dâabord dans des faits de langage, de langue et de parole13; dâautre part, elles nient leur place subjective. Ces approches se rĂ©vĂšlent en cela dĂ©positaires dâune conception Ă©pistĂ©mologique dangereusement naĂŻve, dont on verra que la conception de la fonction symbolique de LĂ©viâStrauss nâest pas exempte. En dâautres termes, lĂ oĂč LĂ©viâStrauss Ă©choue comme le montra la critique postmoderne, Lacan reste dâactualitĂ©. 10Nous rappellerons dâabord les enseignements de lâexpĂ©rience clinique psychanalytique sur la question de la parole du sujet. Puis nous aborderons la conception du symbolique chez LĂ©viâStrauss que nous comparerons avec celle de Lacan. Enfin, nous essaierons de dĂ©gager quelques perspectives Ă partir des avancĂ©s proposĂ©es par lâanthropologie postmoderne et leurs implications pour la psychanalyse dans un ultime renversement si la psychanalyse traque les illusions, ne peutâon pas voir, en regard de certaines recherches contemporaines, quâelle nâen nâest pas elleâmĂȘme exempte ? La parole du sujet 14 Comme nous le verrons Lacan dĂ©veloppe un certain rapport de la psychanalyse Ă la science. Il ne s ... 11Il y a une chose de laquelle le psychanalyste ne saurait se dĂ©tourner sans se renier luiâmĂȘme la clinique. Câest certainement un curieux paradoxe, comme nous lâavons indiquĂ© en prĂ©ambule, que la clinique psychanalytique ait pu apparaĂźtre, puis fleurir », sur la terre aride dâune psychiatrie exclusivement biomĂ©dicale. Si le scientisme imposait au mĂ©decin cet Ă©tonnant mĂ©pris de la rĂ©alitĂ© psychique [âŠ], câest aussi dâun mĂ©decin que devait venir la nĂ©gation du point de vue lui-mĂȘme »14 en tant quâil est le praticien par excellence de la vie intime » Lacan, 1966b. Câest Freud, qui fit ce pas fĂ©cond sans doute parce quâainsi quâil en tĂ©moigne dans son autobiographie, il y fut dĂ©terminĂ© par son souci de guĂ©rir [âŠ] » idem. 12Aussi, Ă lâinstar des autres sciences humaines, la psychanalyse se dĂ©tache du paradigme anthropologique naturaliste de lâĂ©poque pour des raisons singuliĂšres il sâagit des exigences cliniques. Freud prend au sĂ©rieux la plainte de ses patientes, et paradoxalement ce sont elles qui vont lâenseigner. LâĂ©vanouissement de ses patientes ne relĂšve pas dâune causalitĂ© organique, il sâagit en quelque sorte dâune maladie par reprĂ©sentation » Laplanche & Pontalis, 1967 qui se caractĂ©rise par le mĂ©canisme de conversion » Freud, 1894 [âŠ] ce qui spĂ©cifie les symptĂŽmes de la conversion, câest leur signification symbolique ils expriment par le corps, des reprĂ©sentations refoulĂ©es » Laplanche & Pontalis, op. cit.. 13Câest ainsi quâaprĂšs lâhypnose et lâenjeu cathartique de la cure, afin de sâĂ©carter de la suggestion, câest la talking cure qui sâimpose. Seule la parole tĂ©moigne de la rĂ©alitĂ© psychique de lâhystĂ©rique. Ainsi, il va leur rendre la dignitĂ© de sujet de laquelle elles Ă©taient gĂ©nĂ©ralement dĂ©chues dans ces lieux en les Ă©coutant. 15 Cette affirmation mĂ©riterait bien entendu de plus longs dĂ©veloppements, que nous nâavons pas les ... 16 CâestâĂ âdire au sens oĂč lâon parle dâune science physique. 14Cette attention au sujet est le rĂ©quisit clinique de la psychanalyse. Lâintroduction de la dimension symbolique en tant que causalitĂ© irrĂ©ductible Ă une causalitĂ© organique au sein de lâinstitution asilaire passe par la figure du psychanalyste, et plus tard du psychologue. Câest lĂ , en quelque sorte, un humanisme le psychanalyste est un humaniste Ă lâhĂŽpital, ce qui est une vĂ©ritable rĂ©volution copernicienne dans le champ des pratiques asilaires15. Ainsi, si lâĂ©coute psychanalytique ne se fait pas au hasard, elle ne relĂšve pas de la science au sens moderne du terme16. Elle semble mĂȘme revĂȘtir certains aspects anti-mĂ©thodiques Nous ne devons attacher dâimportance particuliĂšre Ă rien de ce que nous entendons et il convient que nous prĂȘtions Ă tout la mĂȘme attention "flottante", suivant lâexpression que jâai adoptĂ©. On Ă©conomise ainsi un effort dâattention⊠et on Ă©chappe ainsi au danger insĂ©parable de toute attention voulue, celui de choisir parmi les matĂ©riaux fournis. Câest en effet ce qui arrive quand on fixe Ă dessein son attention lâanalyste grave en sa mĂ©moire tel point qui le frappe en Ă©limine tel autre, et ce choix est dĂ©terminĂ© par des expectatives et des tendances. Câest justement ce quâil faut Ă©viter ; en conformant son choix Ă son expectative, lâon court le risque de ne trouver que ce que lâon savait dâavance. En obĂ©issant Ă ses propres inclinations, le praticien falsifie tout ce qui lui est offert » Freud, 1999. 15En dâautres termes, cette mĂ©thode particuliĂšre dâĂ©coute place la psychanalyse dans un rapport au savoir et Ă la science qui est inĂ©dit. En effet, le mĂ©decin doit faire fi de son savoir pour sâouvrir Ă la singularitĂ© du sujet, Ă sa vĂ©ritĂ©, et dans cette quĂȘte, la parole seule est son alliĂ©. Le thĂ©rapeute nâest pas lâheureux bĂ©nĂ©ficiaire dâune science qui correspondrait au rĂ©el de la souffrance qui se prĂ©sente Ă lui et quâil conviendrait, suivant certains arrangements, dâajuster ici et lĂ , en fonction de la particularitĂ© dâun sujet. Ă lâinstar dâun certain nombre de philosophies classiques du doute de Descartes, Ă lâĂ©pochĂš dâHusserl, le geste de lâanalyste est celui de la suspension du savoir admis. Celuiâci, pour entendre et bien entendre câestâĂ âdire Ă©couter, doit oublier son savoir, en faire table rase. Loin dâincarner le maĂźtre des significations qui trĂŽnerait en majestĂ© du haut de son savoir, loin dâĂȘtre le dĂ©positaire dâun sens qui pourrait se rĂ©soudre dans une Ă©conomie enfin rĂ©alisĂ©e, il est, lui aussi, partie de cet espace qui sâinaugure dans la sĂ©ance. Le psychanalyste ne peut, tel Ulysse attachĂ© Ă son mĂąt, jouir du spectacle des sirĂšnes sans risques et sans en accepter les consĂ©quences » Blanchot citĂ© par Barthes, 1995b. Lâespace analytique nâappartient pas en propre Ă lâanalyste mais le dĂ©passe dans un jeâneâsaisâquoi » mais câest dans cette irrĂ©ductibilitĂ© que la guĂ©rison pourra trouver ses voies Ă venir. Le savoir ne rĂ©sout pas la clinique, la pratique lui Ă©chappe inlassablement. Ainsi, si le savoir psychanalytique possĂšde quelque consistance, il la trouve parce quâil est ouvert sur une pratique qui le met toujours en demeure. 16Câest la raison pour laquelle lâassociation libre implique de tout dire » selon une loi de nonâomission dans la mesure oĂč tout Ă©lĂ©ment peut ĂȘtre porteur de signification loi de non systĂ©matisation. On ne peut nier que les rĂšgles de cette Ă©coute vont Ă lâencontre de lâidĂ©al de science. GuĂ©rir par les mots, câest une activitĂ© par oĂč [âŠ] il faut reconnaĂźtre lâintelligence mĂȘme de la rĂ©alitĂ© humaine, en tant quâelle sâapplique Ă la transformer » Lacan, 1966b. Le psychanalyste cherche Ă apprendre et Ă faire apprendre au sujet Ă reconnaĂźtre son histoire. Il sâagit, ni plus ni moins dâ [âŠ] aider le sujet Ă parfaire lâhistorisation actuelle des faits qui ont dĂ©terminĂ© dĂ©jĂ dans son existence un certain nombre de tournants historiques. Mais sâils ont eu ce rĂŽle, câest dĂ©jĂ en tant que faits dâhistoire, câestâĂ âdire en tant que faits reconnus dans un certain sens ou censurĂ©s dans un certain ordre » Lacan, 1966a. Ainsi, lâĂ©coute psychanalytique suppose que le psychanalyste sache entendre ce que le discours du patient veut dire un silence peut devenir signifiant, le rĂ©cit dâune histoire quotidienne peut ĂȘtre pris pour un apologue et un lapsus peut ĂȘtre la marque dâun dĂ©sir. On parlera de la ponctuation » heureuse du psychanalyste qui vient faire signe au discours du patient afin de porter Ă sa conscience les nĆuds par lesquels il se trouve coincĂ© ». La raison en est que lâinconscient est le chapitre censurĂ© de lâhistoire du sujet. Ainsi lâanamnĂšse psychanalytique, les conjectures sur le passĂ© du patient nâont dâautre but que de libĂ©rer lâavenir, de dĂ©nouer la souffrance lâeffet dâune parole pleine est de rĂ©ordonner les contingences passĂ©es en leur donnant le sens des nĂ©cessitĂ©s Ă venir, telles que le constitue le lieu par oĂč le sujet les fait prĂ©sentes » ibid..Câest lĂ tout le propos de la psychanalyse reconstruire lâhistoire du sujet dans sa parole. Car ni le dĂ©sir, ni lâhistoire ne sont dĂ©terminĂ©s par la nature. Les pĂ©ripĂ©ties de la subjectivitĂ© ne sont que des stigmates historiques et jamais des stades instinctuels. Dans cette hĂŽtellerie du signifiant » lâĂ©coute du psychanalyste aboutit Ă une reconnaissance celle du dĂ©sir de lâautre Barthes, 1995a. 17On voit bien que lâespace analytique est irrĂ©ductible au savoir qui pourtant a permis de lâouvrir. Câest sous le signe de la singularitĂ© que se joue la thĂ©rapie, et câest sous ce signe Ă©trange, qui traverse dans son entier le corps de lâespace analytique, que le thĂ©rapeute luiâmĂȘme se trouve. On pourrait mĂȘme dire, non sans quelque provocation, que lui et son patient sây trouvent de ce point de vue logĂ©s Ă la mĂȘme enseigne. 18Ainsi, [âŠ] lâexpĂ©rience analytique nâest pas dĂ©cisivement objectivable. Elle implique toujours au sein dâelleâmĂȘme lâĂ©mergence dâune vĂ©ritĂ© qui ne peut ĂȘtre dite, puisque ce qui la constitue câest la parole, et quâil faudrait en quelque sorte dire la parole elle-mĂȘme, ce qui est Ă proprement parler ce qui ne peut pas ĂȘtre dit en tant que parole » Lacan, 1953. Il y a donc une disjonction entre le savoir scientifique » et la vĂ©ritĂ© de la parole », qui est au cĆur de la clinique psychanalytique et qui se trouve posĂ©e comme condition de son avĂšnement. 19Ăvidemment, une telle prĂ©sentation de la psychanalyse Ă©loigne grandement celleâci de lâanthropologie classique. La psychanalyse sâoccupe de la singularitĂ© du sujet, dans un savoir dont la formalisation scientifique semble bien dĂšs lors sâavĂ©rer impossible, alors que lâanthropologie sâoccupe des reprĂ©sentations collectives, dont elle prĂ©tend ĂȘtre Ă mĂȘme de rendre compte, voire de formaliser. DĂšs lors, si la psychanalyse ne relĂšve pas du savoir de la science, on comprend quâelle puisse ĂȘtre conçue par lâanthropologie comme une pratique qui relĂšve dâune simple efficacitĂ© symbolique », au mĂȘme titre que de nombreuses autres institutions humaines que lâanthropologue est amenĂ© Ă dĂ©crire. Nous commençons par lĂ Ă entrer dans le cĆur de ce que nous appellerons volontairement la polĂ©mique » de Lacan et de LĂ©viâStrauss. En choisissant un tel terme, il sâagit de se dĂ©marquer de lâidĂ©e selon laquelle ces deux auteurs seraient en accord ou que lâon pourrait ramener lâun Ă lâautre. Ă mettre trop lâaccent sur un certain structuralisme thĂ©orique quâils partagĂšrent un temps, on oublie quâailleurs se jouaient certaines diffĂ©rences essentielles qui allaient marquer le destin des disciplines. Le chaman et le psychanalyste anthropologie de la psychanalyse 17 AuâdelĂ de leurs diffĂ©rences, ces deux auteurs plutĂŽt tenus Ă lâĂ©cart du dĂ©bat aujourdâhui post ... 20La rĂ©fĂ©rence est connue. LĂ©viâStrauss fait une comparaison du chaman avec le psychanalyste en 1949 dans un article intitulĂ© LâefficacitĂ© symbolique », quâil dĂ©die Ă Ferdinand de Saussure 1949a. ConfrontĂ© Ă la mystĂ©rieuse efficacitĂ© de la cure chamanique, lâanthropologue dĂ©veloppe une explication intellectualiste, sâĂ©cartant des approches anthropologiques classiques de la magie des annĂ©es trente LĂ©vyâBruhl, 1922 ; De Martino, 199917. 21La cure opĂ©rĂ©e par le chaman consiste, selon LĂ©viâStrauss, Ă rendre pensable » et acceptable » une situation insupportable pour le patient qui souffre » dans son corps. Lâintervention du chaman va consister Ă intervenir de telle sorte Ă rĂ©soudre le conflit. Pour LĂ©viâStrauss, le chaman est une sorte de mĂ©diateur entre le rĂ©el dâun corps qui souffre et le dĂ©sarroi psychique du malade. Il sâagit pour lui, par le truchement de son discours mythologique, de donner une forme narrative Ă la maladie rĂ©elle. Que la mythologie du chaman ne corresponde pas Ă une rĂ©alitĂ© objective ne compte pas, rajoute LĂ©viâStrauss ce qui compte, câest que le malade et la communautĂ© y croient. 22Alors que dans la biomĂ©decine, lâexplication faite au patient de la cause de son dĂ©sordre, recourant Ă des Ă©lĂ©ments extĂ©rieurs comme les sĂ©crĂ©tions et les microbes, induit peu dâeffets sur sa guĂ©rison, le discours mythologique du chaman qui dĂ©signe monstres et esprits malfaisants comme cause de la maladie, lui, guĂ©rit. Ătrange paradoxe, commente LĂ©viâStrauss, dont la raison tient Ă ce que dans un cas les relations de cause Ă effet sont extĂ©rieures Ă lâesprit du patient, tandis que dans lâautre les relations de cause Ă effet sont internes Ă lâesprit. Le chaman fournit Ă sa patiente un langage qui permet de symboliser la souffrance. Alors que celleâci Ă©tait inexplicable, quâelle venait perturber lâordre naturel, lâintervention du chaman consiste Ă la rĂ©inscrire dans lâordre symbolique. Le chaman, par lâexpression verbale et lâexpĂ©rience que permet son intervention, procĂšde ni plus ni moins Ă une rĂ©organisation symbolique qui a pour issue un dĂ©blocage du processus physiologique. 18 Le concept dâabrĂ©action se trouve essentiellement valorisĂ© dans les premiĂšres Ă©laborations thĂ©ori ... 23Ces considĂ©rations sur lâefficacitĂ© symbolique de la cure chamanique amĂšnent LĂ©viâStrauss Ă la comparer aux ressorts de la technique psychanalytique freudienne. En effet, ne se propose tâon pas dans les deux cas dâamener Ă la conscience des conflits et des rĂ©sistances restĂ©s jusque-lĂ inconscients ? Dans les deux cas, la rĂ©solution des conflits ne se fait pas en raison de la connaissance de la cause objective de la maladie, mais bien grĂące Ă une expĂ©rience au cours de laquelle les Ă©vĂ©nements se rĂ©alisent dans un ordre et sur un plan qui permettent leur libre dĂ©roulement et conduisent Ă leur dĂ©nouement ». Cette expĂ©rience vĂ©cue en psychanalyse, poursuit LĂ©viâStrauss, sâappelle abrĂ©action »18. Le psychanalyste intervient de maniĂšre non provoquĂ©e » par lâintermĂ©diaire du transfert dans les conflits du malade. Il peut dĂšs lors expliciter une situation restĂ©e informulĂ©e. AuâdelĂ de leurs diffĂ©rences que LĂ©viâStrauss ne nie pas dans un premier temps le chaman est un orateur », tandis que le psychanalyste est un auditeur » dâaprĂšs lui, et que, dâautre part, le nĂ©vrosĂ© liquide un mythe individuel » lorsque lâindigĂšne se rĂ©inscrit dans une mythologie collective », nous retrouvons donc dans la figure du psychanalyste le mĂȘme opĂ©rateur que dans celle du chaman. Tous deux agissent en raison du ressort de lâefficacitĂ© de la fonction symbolique. Mais comment rendre compte de lâharmonie du parallĂ©lisme entre mythe et opĂ©rations rĂ©elles ? Comment expliquer que la narration mythologique puisse agir dans la rĂ©alitĂ© objective ? 24Pour rĂ©pondre Ă cela, LĂ©viâStrauss fait lâhypothĂšse dâun isomorphisme anthropologique lâefficacitĂ© symbolique consisterait prĂ©cisĂ©ment dans cette propriĂ©tĂ© inductrice que possĂ©derait les unes par rapports aux autres, des structures formellement homologues pouvant sâĂ©difier, avec des matĂ©riaux diffĂ©rents, aux diffĂ©rents Ă©tages du vivant processus organique, psychisme inconscient, pensĂ©e rĂ©flĂ©chie. La mĂ©taphore poĂ©tique fournit un exemple familier de ce procĂ©dĂ© inducteur » 25LĂ©vi-Strauss ose lĂ une certaine audace Ă©pistĂ©mologique, en Ă©voquant un tel procĂ©dĂ© inducteur ne pourraitâon pas parler Ă cet Ă©gard de mythopoiĂšsis » au sens oĂč en un certain point la nature les processus organiques rejoint les dĂ©terminismes symboliques de la culture ? Ăvoquant la thĂ©orie linguistique du rapport de signifiant au signifiĂ© pour rendre compte de la relation de lâefficacitĂ© symbolique comme relation de symbole Ă chose symbolisĂ© », la question porte peutâĂȘtre ici sur le statut du signifiĂ© chez LĂ©viâStrauss. LĂ©viâStrauss ne suppose t-il pas en effet dans une certaine mesure la possibilitĂ© dâun signifiĂ© de la nature » ? Pour sa part, si la psychanalyse ne rĂ©cuse pas la mĂ©taphore poĂ©tique, la question se pose de sa dĂ©termination ou de son extension. 26TrĂšs tĂŽt, Lacan va prĂ©ciser sa position sur cette question du dĂ©terminisme symbolique tout dâabord, comme nous allons le voir, en complexifiant le symbolique promut par LĂ©viâStrauss en introduisant sa catĂ©gorie de lâimaginaire, espace irrĂ©ductible du sujet ; puis en dĂ©veloppant la question du symbolique comme relevant exclusivement du langage, de la parole, ou du signifiant. Câest ainsi quâil coupera court Ă la causalitĂ© biologique lĂ oĂč lâon va voir que LĂ©viâStrauss penche sĂ©rieusement en la faveur des processus organiques ». Nous allons suivre pas Ă pas lâĂ©mergence de ce dĂ©saccord. La rĂ©ponse » de Lacan parole du sujet et langage de la science en psychanalyse 27DĂšs Le stade du miroir⊠» de 1949, Lacan introduit la notion dâefficacitĂ© symbolique » de LĂ©viâStrauss. Mais il commence dĂ©jĂ Ă la dĂ©former ». Sâagitâil par lĂ pour Lacan de rĂ©sister Ă la tentation naturaliste de LĂ©viâStrauss ? Toujours estâil quâil complexifie le problĂšme en introduisant une nouvelle dimension la dimension imaginaire » qui a rapport Ă la relation narcissique ou Ă lâorigine imaginaire du moi il sâagit du fameux stade du miroir ». On remarquera que cette notion dâ imaginaire » nâexclut pas la dimension du symbolique » mais sây articule. On peut dire que la notion dâimaginaire permet Ă Lacan de dĂ©placer le problĂšme quant Ă la nature de la dimension symbolique, tout en spĂ©cifiant le levier opĂ©ratoire de la psychanalyse. Il y a pour lui une fonction inaugurale de lâimage spĂ©culaire chez lâhomme qui spĂ©cifie son rapport Ă la nature » et du mĂȘme coup lâen Ă©loigne radicalement. Lacan rĂ©pond donc indirectement Ă lâhypothĂšse de lâisomorphisme de maniĂšre tranchĂ©e Ă ce point de jonction de la nature et la culture que lâanthropologie de nos jours scrute obstinĂ©ment, seule la psychanalyse reconnaĂźt ce nĆud de servitude imaginaire que lâamour doit toujours redĂ©faire ou trancher » Lacan, 1966d. 19 » Pour les imagos, en effet, dont câest notre privilĂšge que de voir se profiler, dans notre expĂ©r ... 28La relation de lâhomme Ă la nature est dâabord marquĂ©e par une discontinuitĂ©. Il sâagit dâune discorde primordiale » dont la psychanalyse a le privilĂšge dâapercevoir les mĂ©canismes dans la pĂ©nombre de lâefficacitĂ© symbolique »19. En dâautres termes, pour rendre compte de lâefficacitĂ© symbolique on ne saurait se passer de lâimaginaire du sujet. Lâimaginaire lacanien est donc en quelque sorte une complexification du paradigme symbolique. 29Sâil nâest pas lieu ici de rentrer dans la spĂ©cificitĂ© des catĂ©gories lacaniennes, ni de suivre leur Ă©volution, on peut en revanche remarquer que le dĂ©placement du concept dâefficacitĂ© symbolique lĂ©viâstraussien sera solidaire dâune critique de lâidĂ©al de science que Lacan ne cessera de dĂ©velopper en mĂȘme temps quâil prĂ©cisera le statut de la psychanalyse par rapport Ă la science. Certains problĂšmes se posent en effet si le sujet est dâabord le rĂ©sultat dâImagos, quâen estâil de la nature du discours qui prĂ©tend rendre compte de ces Imagos ? La fonction symbolique ainsi dĂ©viĂ©e et couplĂ©e Ă une dimension imaginaire par la psychanalyse, peutâelle encore prĂ©tendre Ă une quelconque lĂ©gitimitĂ© Ă©pistĂ©mologique, si la vĂ©ritĂ© dĂ©pend toujours avant tout dâun sujet ? Sans succomber Ă la tentation hermĂ©neutique, Lacan ne va faire que radicaliser son geste au fil de son Ćuvre il va ainsi renouveler le rapport de la psychanalyse Ă la question de la science. 20 MalgrĂ© sa tentative et son rapprochement avec Einstein, il nâĂ©chappa au feu de la critique de Pop ... 30Il reprend, en quelque sorte, les questions oĂč Freud en Ă©tait restĂ© et les approfondit. La question que se posait en effet Freud en 1933 Ă©tait en effet la psychanalyse est-elle une Weltanschauung câestâĂ âdire une conception du monde comme lâest la religion ? Ce dernier chercha Ă rĂ©pondre par la nĂ©gative en rattachant la psychanalyse Ă lâĂ©mergence dâune Welt scientifique dans lâhistoire Freud, 198420. Lacan, en prĂ©cise les rapports et sâĂ©carte en partie de lâĂ©volutionnisme scientifique freudien. Si lâavĂšnement de la psychanalyse est effectivement liĂ© Ă la naissance de la science, ce nâest pas en tant quâelle sâinsĂšre dans la logique scientifique mais en tant que son champ relĂšve de ce que la science exclut ou rejette. Sâil sâagit pour la psychanalyse dâouvrir un espace irrĂ©ductible Ă la vĂ©ritĂ© de la parole du sujet, câest en tant quâelle entretient un certain rapport au langage de la science qui est un rapport dâexclusion nĂ©cessaire. Ăvidemment, une telle conception suppose dâĂ©lucider plus prĂ©cisĂ©ment ce rapport de la parole que permet la psychanalyse au langage de la science. 21 Nous reprenons ici les analyses classiques de Milner 2000. 22 Des distinctions sont lĂ encore Ă faire entre le chaman et le psychanalyste. Pour lâun, il sâagit ... 31Que la science ne sâintĂ©resse quâau gĂ©nĂ©ral est un constat qui sâimpose. Saussure par exemple, pĂšre de la linguistique, cherchait, on le sait, Ă fonder la science du langage. Ainsi il fut amenĂ© Ă mettre Ă jour les rĂ©gularitĂ©s et Ă exclure de son champ dâinvestigation toutes les traces de lâirrĂ©gularitĂ© ou de lâaccident singulier ». Or câest prĂ©cisĂ©ment Ă ces irrĂ©gularitĂ©s que la psychanalyse prĂȘte attention, en tant quâelles rĂ©vĂšlent le sujet. En cela, le domaine qui intĂ©resse la psychanalyse nâest pas vraiment la linguistique, mais plutĂŽt ce que Lacan appelle la linguisterie », câestâĂ âdire ce qui a trait Ă la parole du sujet Lacan, 1972. Aussi son investigation se tientâelle Ă la limite de la linguistique qui est Ă©tude du langage Lacan dira dâailleurs de cette derniĂšre quâelle ne fraye rien pour lâanalyse », car le lieu qui lâintĂ©resse nâest pas dâabord celui de la structure au sens dâune structure de langage qui se rĂ©pĂšte, mais le lieu de lâaccident qui la rĂ©vĂšle mot dâesprit ou lapsus langagier qui marquent lâĂ©mergence du sujet et de sa parole21. Sâil y a psychanalyse, câest en tant que celleâci Ă affaire Ă la parole du sujet comme cause, ou encore quâelle a affaire Ă la relation de la vĂ©ritĂ© comme cause »22. En dâautres termes, chez Lacan, le signifiĂ© passe sous la barre du signifiant nous nâavons quâun rapport Ă ce dernier et non plus au premier. Câest pourtant de ce rapport au signifiant singulier que lâefficacitĂ© symbolique se soutient. 32Ainsi si on a rappelĂ© que LĂ©viâStrauss compare non sans raison le chaman et le psychanalyste, Lacan dans un texte moins connu des anthropologues Lacan, 1966c, compare cette foisâci, le discours de la science tel que celui auquel prĂ©tend LĂ©viâStrauss Ă un discours religieux, et analyse lâinterprĂ©tation faite par LĂ©viâStrauss du chaman et de la magie en montrant quâelle Ă©vacue le sujet. On remarquera dâailleurs quâil ne parle pas du rapport du signifiant au signifiĂ© Ă propos de lâefficacitĂ© symbolique comme LĂ©viâStrauss en parlait en 1949, mais du rapport du signifiant au signifiant, glissement qui nâest Ă©videmment pas sans implications. Une fois encore, il dĂ©forme » la perspective de LĂ©viâStrauss sur la question du symbolique Sur la magie je pars de cette vue, qui ne laisse pas de flou sur mon obĂ©dience scientifique, mais qui se contente dâune dĂ©finition structuraliste. Elle suppose le signifiant rĂ©pondant comme tel au signifiant câest nous qui soulignons. Le signifiant dans la nature est appelĂ© par le signifiant dans lâincantation. Il est mobilisĂ© mĂ©taphoriquement. La Chose en tant quâelle parle rĂ©pond Ă nos objurgations. Câest pourquoi cet ordre de classifications naturelles que jâai invoquĂ© de LĂ©viâStrauss, laisse dans sa dĂ©finition structurale entrevoir le pont de correspondances par lequel lâopĂ©ration efficace est concevable, sous le mĂȘme mode oĂč elle a Ă©tĂ© conçue ». 33Si, Lacan, malgrĂ© cette lĂ©gĂšre distorsion », reconnaĂźt lâapproche structurale de LĂ©viâStrauss au sens dâune obĂ©dience scientifique », câest surtout pour porter sa critique plus loin. Ce nâest pas seulement faire valoir lâabsence du signifiĂ© dans le paradigme symbolique dont il est question pour lui. Ce quâil pointe de maniĂšre critique câest surtout lâĂ©vacuation du sujet singulier dans lâapproche structurale, ou autrement dit la nĂ©cessitĂ© pour la science dâexclure le signifiant singulier, champ par excellence de lâinvestigation de la psychanalyse Câest pourtant lĂ une rĂ©duction qui y nĂ©glige le sujet. Chacun sait que la mise en Ă©tat du sujet, du sujet chamanique y est essentielle. Observons que le chaman, disons en chair et en os, fait partie de la nature et que le sujet corrĂ©latif de lâopĂ©ration a Ă se recouper dans ce support corporel. Câest ce mode recoupement qui est exclu du sujet de la science. Seuls ses corrĂ©latifs structuraux dans lâopĂ©ration lui sont repĂ©rables ⊠» Lacan, 1966c 351. 34En dâautres termes, le savant anthropologue ne peut accĂ©der Ă lâessence du chamanisme puisquâil ne sâintĂ©resse quâĂ sa dimension structurale. Câest donc, en quelque sorte, un cadeau empoisonnĂ©e » que Lacan fait Ă LĂ©viâStrauss si le structuralisme est bien du cĂŽtĂ© de la science, ce dernier ne peut quâĂ©chouer Ă rendre compte du sujet chaman. Lâanthropologue ne peut quâentrevoir le pont de correspondances », mais non rendre compte de la vĂ©ritĂ© de cette relation. On voit donc comment Lacan ne ramĂšne pas la question de lâefficacitĂ© symbolique Ă celle de la science sinon Ă sa critique, sans pour autant Ă©chouer dans le relativisme ou dans le rejet de la science. Nous sommes alors en 1966 et Lacan peut dĂšs lors affirmer quâil n yâa pas de science de lâhomme parce que lâhomme de la science nâexiste pas, seulement son sujet » ibid. 339. 23 Pour rendre compte de ce dĂ©ni Lacan va analyser lâacte fondateur de Descartes du cogito, en tant ... 24 Ni la psychanalyse ni la science ne relĂšvent du progrĂšs, car contrairement Ă ce quâon sâimagine ... 35Nâestâce pas lĂ une mise au point sans appel de lâentreprise de scientificitĂ© qui pourrait ĂȘtre visĂ© par les sciences humaines ? Il ne sâagit pourtant pas pour Lacan de tomber dans le subjectivisme, mais sinon dâanalyser le rapport de la consistance de la vĂ©ritĂ© pour un sujet Ă la connaissance de la science. Le sujet de la science et le sujet de la psychanalyse se retrouvent dans un rapport inĂ©dit, rapport de mutuelle exclusion pourrait-on dire celui du langage et de la parole. Câest ainsi que Lacan, soutiendra que la dĂ©marche structurale tout comme la science » en gĂ©nĂ©ral, impliquent un dĂ©ni du sujet, opĂ©ration par laquelle elles se constituent comme telles. Le dĂ©sir de savoir du savant est tel quâil constitue la science en tant quâelle lâĂ©vacue lui-mĂȘme. Câest un paradoxe, mais lâhomme de science se trouve exclu par dĂ©finition de son savoir et de sa science, puisquâil ne saurait sây inscrire il est donc le sujet qui est en exclusion interne Ă son objet » ibid. 341. Câest la raison pour laquelle la science, si on la regarde de prĂšs, nâa pas de mĂ©moire. Elle oublie les pĂ©ripĂ©ties dont elle est nĂ©e, quand elle est constituĂ©e, autrement dit une dimension de la vĂ©ritĂ© que la psychanalyse met lĂ hautement en exercice » ibid. 350. Câest que la vĂ©ritĂ© comme cause » telle que lâexplore et lâinvestit la psychanalyse, la science nâen veut rien savoir on parle alors de mĂ©canisme de dĂ©nĂ©gation » ou de forclusion » en clinique psychanalytique. En dâautres termes, le savoir de la science dĂ©pend de la nĂ©gation du sujet il vise sa clĂŽture23. Alors que par exemple, la logique moderne participe de cette tentative de clĂŽturer le sujet de la science, le dernier thĂ©orĂšme de Gödel montre quâelle y Ă©choue ce qui veut dire que le sujet en question reste le corrĂ©lat de la science, mais un corrĂ©lat antinomique puisque la science sâavĂšre dĂ©finie par la non-issue de lâeffort pour le suturer ». On voit donc que pour Lacan la science en mĂȘme temps quâelle sâĂ©tend, que son langage se prĂ©cise, Ă©choue cependant Ă rĂ©duire un reste » ce reste est prĂ©cisĂ©ment le sujet de la psychanalyse et la parole. Câest ainsi quâil scelle la science et la psychanalyse tout en sâĂ©loignant de la conception de la science comme scientisme24. Psychanalyse de lâanthropologie clinique de la fonction symbolique chez LĂ©viâStrauss 36En exposant les conceptions lacaniennes et lĂ©viâstraussiennes de maniĂšre symĂ©trique, on constate que les diffĂ©rences sâaccentuent, se creusent et en mĂȘme temps se prĂ©cisent. Il sâagit dâaller plus loin et de reprendre les fils de cette discussion afin de dĂ©placer Ă notre tour le problĂšme en tirant les consĂ©quences de toutes ces assertions. La linguistique dont sâinspire LĂ©viâStrauss vise les rĂ©gularitĂ©s, or ce nâest pas la visĂ©e de Lacan, comme on lâa vu. Quâestâce que cela implique que de sâintĂ©resser aux irrĂ©gularitĂ©s, que ce soit au niveau anthropologique ou au niveau de la nature du paradigme symbolique ? 37Cela signifie quâon ne peut rĂ©duire un sujet Ă la structure de sa langue ou du langage. Car si les cĂ©lĂšbres formules consacrĂ©es de Lacan, dâune part lâinconscient est structurĂ© comme un langage », et dâautre part lâinconscient existe, se motive de la structure, soit du langage », nous indiquent en derniĂšre instance que la structure, câest le langage, qui est en mĂȘme temps condition de lâinconscient, ou encore, ce qui revient un peu au mĂȘme, quâil nây a dâinconscient que chez lâĂȘtre parlant ⊠», ces thĂšses nâont cependant pas une simple portĂ©e de clĂŽture ou de coupure » mais surtout une valeur heuristique et engagent une recherche » Guyomard, 2004. En dâautres termes, si la possibilitĂ© de la parole du sujet est directement liĂ©e Ă sa langue et au langage, elle ne saurait ĂȘtre arraisonnĂ©e ni par lâun ni par lâautre. La notion de fonction symbolique telle que LĂ©viâStrauss lâĂ©labore est ainsi mise Ă mal, et le structuralisme de Lacan est bien diffĂ©rent de celui de LĂ©viâStrauss. Il nâen partage pas lâidĂ©al de science. 25 Plus tard câest la dimension du rĂ©el qui prendra le pas sur les deux autres. 38Ă partir de ces aspects, on commence Ă saisir lâĂ©ventuelle contribution de la psychanalyse pour Ă©clairer, cette foisâci, certains ressorts inconscients de la science » anthropologique. La dimension symbolique telle que la manipule le psychanalyste est fort diffĂ©rente de celle envisagĂ©e par LĂ©viâStrauss, ne seraitâce que parce que dĂšs 1949 Lacan la couple Ă la dimension imaginaire25. ConsidĂ©rant la vĂ©ritĂ© de la parole en tant que cause du sujet, Lacan ouvre un espace Ă la singularitĂ© du sujet quâil prend bien soin dâarticuler Ă lâuniversel du langage de la science. Ce nâest Ă©videmment pas le cas de LĂ©viâStrauss qui tend plutĂŽt Ă effacer le sujet et sa singularitĂ© au nom de la science. Si câest cet anthropologue qui est reconnu comme le pĂšre de la notion fondamentale en anthropologie de fonction symbolique », il peut ĂȘtre intĂ©ressant de soulever certains aspects relativement mĂ©connus de sa conception et qui posent problĂšme relativement aux enjeux prĂ©sentĂ©s ici. 39En effet, tout se passe comme si la fonction symbolique de LĂ©vi-Strauss Ă©tait une façon dâĂ©viter lâinconscient psychanalytique et le remaniement de la question du symbolique par rapport au sujet quâeffectue Lacan. On peut se reporter Ă son entretien avec Bellour 1979 B â Je voulais revenir et insister, en les formulant de façon plus globale, sur les questions qui prĂ©cĂ©daient, en particulier celle sur la psychanalyse Ă laquelle vous me semblez nâavoir quâĂ moitiĂ© rĂ©pondu. Ceci, dans la mesure oĂč les clivages que vous pratiquez se trouvent Ă©luder spĂ©cifiquement la dimension fondamentale de lâinconscient comme production du dĂ©sir. L-S â Mais est-ce la dimension fondamentale de lâinconscient ? Je nâen suis nullement convaincu ». 40Si LĂ©viâStrauss a bien repĂ©rĂ© une dimension mythopoĂŻĂ©tique dans laquelle se dĂ©ploie lâexercice de la cure psychanalytique, il nâest pas certain que lâon puisse cependant rapporter celleâci Ă la fonction symbolique telle quâil lâentend. En effet, LĂ©viâStrauss dĂ©nie la singularitĂ© du sujet. Dans les textes que nous avons Ă©voquĂ©s LĂ©viâStrauss nous dit que la fonction symbolique renvoie Ă un ensemble de structures intemporelles que lâon appellerait inconscient », et dĂšs lors, nous verrions sâĂ©vanouir la derniĂšre diffĂ©rence entre la thĂ©orie du chamanisme et celle de la psychanalyse. Lâinconscient cesse dâĂȘtre lâineffable refuge des particularitĂ©s individuelles, le dĂ©positaire dâune histoire unique, qui fait de chacun de nous un ĂȘtre irremplaçable. Il se rĂ©duit Ă un terme par lequel nous dĂ©signons une fonction la fonction symbolique [âŠ] qui chez tous les hommes sâexerce selon les mĂȘmes lois ; qui se ramĂšne en fait Ă lâensemble de ses lois » 1949 a 232 41Puis, un peu plus loin, LĂ©viâStrauss avance que lâinconscient est toujours vide ; ou plus exactement, il est toujours aussi Ă©tranger aux images que lâestomac aux aliments qui le traversent ». Il est en fait lâorgane dâune fonction, la fonction symbolique ». Du coup, il se borne Ă imposer des lois structurales qui Ă©puisent sa rĂ©alitĂ© » ibid. 233. On le voit, lâassimilation est totale et radicale, et lâinconscient vidĂ© de toute pulsion, de toute dimension singuliĂšre, de tout dĂ©sir. Il est Ă©quivalent Ă la fonction symbolique » qui est une sorte de mĂ©canique opĂ©ratoire de lâintellect. 42Face Ă une telle conception, on ne peut que se remĂ©morer la boutade de Barthes âIl faut quâune porte soit ouverte ou fermĂ©e est un proverbe structuraliste » Barthes, 1995a 337. Nây a tâil pas en effet une rage structuraliste » rage qui a peutâĂȘtre pris des gants, mais une rage polie est toujours une rage », se demandait alors Barthes non sans une dĂ©licieuse malice ? Car dans lâauguste mouvement par oĂč LĂ©viâStrauss affirme lâhypothĂšse symbolique, il ne rĂ©siste pas, on le voit, Ă la tentation dâarraisonner lâinconscient de la psychanalyse Ă sa fonction symbolique ». 43Mais ce nâest pas tout, et câest le deuxiĂšme aspect de notre hypothĂšse. Que LĂ©viâStrauss fasse du modĂšle structural un modĂšle explicatif tout-puissant et universel est une chose qui en soi est assez problĂ©matique ; cette critique a dĂ©jĂ Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e en grande partie et Ă juste titre, notamment par les anthropologues postmodernes. Mais soulignons que la maniĂšre dont il le fait dans ces textes mĂ©rite une attention particuliĂšre car et câest lĂ une des modalitĂ©s de son discours gĂ©nĂ©ralement peu mise en valeur car il hypothĂšque la psychanalyse au nom dâun progrĂšs irrĂ©sistible de la science biochimique et physiologique 26 On peut remarquer au passage que le geste de LĂ©viâStrauss est dâautant plus retord » quâil sâap ... Lâanalogie entre les deux mĂ©thodes chamanique et psychanalytique serait plus complĂšte si la description en termes psychologiques des psychoses et des nĂ©vroses disparaĂźt un jour devant une conception physiologique, ou mĂȘme biochimique [âŠ] Cette Ă©ventualitĂ© pourrait ĂȘtre plus proche quâil ne semble, puisque les recherches suĂ©doises rĂ©centes ont mis en Ă©vidence des diffĂ©rences chimiques, portant sur leur richesses en polynuclĂ©otides, entre les individus normaux et celles de lâaliĂ©nĂ© » ibid. 23126. 44Ces quelques remarques qui vantent les mĂ©rites dâune approche biologique de lâĂȘtre humain se retrouvent plus tard dans dâautres Ă©crits. Dans Le totĂ©misme aujourdâhui, LĂ©viâStrauss Ă©crit En vĂ©ritĂ© les pulsions et les Ă©motions nâexpliquent rien ; elles rĂ©sultent toujours soit de la puissance du corps, soit de lâimpuissance de lâesprit. ConsĂ©quences dans les deux cas, elles ne sont jamais des causes. Cellesâci ne peuvent ĂȘtre cherchĂ©es que dans lâorganisme, comme seule la biologie sait le faire, ou dans lâintellect, ce qui est lâunique voie offerte Ă la psychologie comme Ă lâethnologie » 1962 103. 45On voit bien que la fonction symbolique » sâassimile Ă un intellect renvoyĂ© au fonctionnement du cerveau, tel quâil est envisagĂ© par la biologie. Un des commentateurs de LĂ©viâStrauss nous dit dâailleurs Il semble bien que LĂ©viâStrauss pour sa part est convaincu de la complĂ©mentaritĂ© entre le structuralisme et la neurobiologie âŠ. Les propriĂ©tĂ©s logiques que le structuralisme met en Ă©vidence pourraient se rapporter en derniĂšre instance Ă lâorganisation cĂ©rĂ©brale » Rechtman, 1996 64-65. 46On voit donc que LĂ©viâStrauss rejette lâinconscient freudien pulsionnel et singulier pour asseoir le symbolisme structuraliste sur une prĂ©tendue correspondance avec le modĂšle de la science biologique. Il renaturalise » donc la dimension symbolique au nom dâun idĂ©al de la science on pourrait dire quâil existerait pour lui, en quelque sorte, lâidĂ©e dâun signifiĂ© naturel ». LĂ©viâStrauss Ă©radique la logique du signifiant singulier, arraisonne le sujet, Ă©crase sa parole, le rĂ©duisant Ă une pure fonction au nom de la science⊠En derniĂšre instance il nâhĂ©site pas Ă ramener le paradigme symbolique Ă un biologisme sous le thĂšme de la mĂ©taphore poĂ©tique ». Et, câest peutâĂȘtre ici que le dĂ©saccord avec Lacan est le plus saillant. 47En effet, pour ce qui est du dĂ©bat qui nous intĂ©resse, nous retrouvons une rĂ©ponse trĂšs tranchĂ©e Ă lâhypothĂšse de LĂ©viâStrauss formulĂ©e en 1949, Ă savoir celle de lâisomorphisme » mĂ©taphorique estâce un hasard si, 28 ans plus tard, Lacan reprend en effet la question de la nature de la poĂ©sie pour dĂ©crire lâactivitĂ© psychanalytique ? Mais il le fera Ă lâopposĂ© de ce quâaura fait LĂ©viâStrauss. Lacan, plutĂŽt que dâassimiler la psychanalyse Ă une science nâhĂ©sitera pas Ă dire, non sans provocation malicieuse, quâelle serait une escroquerie » elle serait, dâune certaine façon, du chiquĂ©, je veux dire du semblant. [âŠ] Il est parvenu Ă vos oreilles que jâai parlĂ© de la psychanalyse comme pouvant ĂȘtre une escroquerie » Lacan, 1977a. 48Cependant, sâil sâagit dâune escroquerie », encore fautâil sâentendre sur les termes. Il les prĂ©cisera en effet la psychanalyse est peut-ĂȘtre une escroquerie, mais ce nâest pas nâimporte laquelle â câest une escroquerie qui tombe juste par rapport Ă ce quâest le signifiant, soit quelque chose de bien spĂ©cial, qui a des effets de sens. [âŠ] Ă cet Ă©gard, la psychanalyse nâest pas plus une escroquerie que la poĂ©sie elleâmĂȘme » Lacan 1977b. 49Lacan jusquâĂ la fin de sa vie nâaura pas cĂ©dĂ© ni Ă la tentation du scientisme, ni non plus Ă celle de condamner de la science. Conclusion et aujourdâhui ? 27 Câest notamment non un anthropologue mais un psychanalyste qui a menĂ© cette critique particuliĂšre ... 28 Câest le cas notamment de Sulloway qui soutient que Freud Ă©tait en rĂ©alitĂ© un biologiste de lâe ... 29 Pour la petite histoire, Sulloway est chercheur au MIT. Or, ce [âŠ] dĂ©partement allait devenir c ... 30 Citons un commentateur de ces mouvements, pour se remettre dans lâambiance » de lâĂ©poque de la ... 50Câest donc un curieux paradoxe, peu soulignĂ© il est vrai dans lâhistoire de lâanthropologie culturelle oĂč LĂ©viâStrauss occupe une place de premier plan, que cette Ćuvre soit aussi celle par oĂč se rĂ©introduit le naturalisme contemporain27. Ce nâest pas un hasard si lâon retrouve les mĂȘmes rĂ©fĂ©rences Ă lâĆuvre de Freud que faisait LĂ©viâStrauss dans les annĂ©es 50, chez des anthropologues contemporains qui tentent de biologiser la psychanalyse28. De mĂȘme que LĂ©viâStrauss cite les rares passages oĂč Freud mise sur les progrĂšs de la biologie contre la psychanalyse pour justifier lâhypothĂšse dâune biologisation » de la fonction symbolique, certains auteurs soutiennent que Freud Ă©tait un biologiste de lâesprit qui avait cachĂ© son inspiration biologisante en dâautres termes, les concepts fondamentaux de la psychanalyse se trouveraient dans les neurosciences29. Câest lĂ un habile moyen dâignorer lâĆuvre de Freud, mais aussi surtout celle de Lacan. Ce discours se prĂ©sente sous le masque dâune fringante modernisation scientifique », alors quâil est Ă©videmment en son fond une rĂ©gression, un retour en arriĂšre, une dĂ©nĂ©gation de la singularitĂ© et du dĂ©sir du sujet. Cette prolifĂ©ration dâun savoir de nature scientiste nâest pas sans rappeler lâinconscient cĂ©rĂ©bral » du XIXe siĂšcle et sa prolifĂ©ration Gauchet, 1992. Or si plus personne ne se souvient aujourdâhui de la morphoâpsychologie, du constitutionalisme, ou de lâanthropomĂ©trie de Galton30 mis Ă part quelques rares historiens des sciences, la dĂ©suĂ©tude et lâoubli qui frappent aujourdâhui ces conceptions surannĂ©es constituent assurĂ©ment le pendant du triomphe des sciences humaines contemporaines et du paradigme symbolique. Mais pour combien de temps encore ? Car force est de constater que la psychologie et lâanthropologie cognitives contemporaines sont un avatar de cette conception ancienne. Si une bataille fut autrefois gagnĂ©e, il semblerait que la guerre a dĂ©sormais repris⊠Tout en se distinguant des neurosciences et de la biologie, les courants cognitivistes trouvent en ces derniĂšres la rĂ©fĂ©rence obligĂ©e Ă leur exigence matĂ©rialiste, comme LĂ©viâStrauss. Et il sâagit bien lĂ toujours du mĂȘme motif celui dâun certain idĂ©al de science que lâon cherche Ă appliquer Ă lâhomme, quitte Ă le faire taire, Ă empĂȘcher sa parole. 51En tout Ă©tat de cause, rouvrir le dossier relativement oubliĂ© des rapports de lâanthropologie et de la psychanalyse et des enjeux de leurs paradigmes respectifs doit inviter Ă poursuivre la discussion aujourdâhui. La psychanalyse interrogea radicalement le projet de toute science de lâhomme et mĂȘme de toute science, pour le remettre en cause et renouveler la vieille question celle posĂ©e Ă lâĂ©poque oĂč les sciences humaines furent fondĂ©es de savoir si la psychanalyse et lâanthropologie sont hors ou dans la science ? 31 En effet, le linguiste luiâmĂȘme nâest-il pas linguiste que dans la mesure exacte oĂč il est lui- ... 32 On pourrait rapprocher ces travaux de Lacan de ceux de Foucault ou de Derrida, qui furent produit ... 33 Nous pensons ici aux rĂ©cents travaux dâEric Chauvier. On peut se reporter Ă sa thĂšse oĂč lâauteur ... 34 On ne peut Ă©viter aussi dâĂ©voquer ici la contribution de la philosophie contemporaine comme celle ... 52La clinique, en tant que son objet est la singularitĂ© de la parole dâun sujet, interroge de maniĂšre exemplaire la question de lâobjet de la science en gĂ©nĂ©ral, et donc de tout idĂ©al de science dans les sciences de lâhomme. Toute prĂ©tention scientifique en tant quâelle vise le gĂ©nĂ©ral et Ă©radique les irrĂ©gularitĂ©s du sujet, ne peut-elle pas faire lâobjet dâune problĂ©matisation psychanalytique, surtout si elle prĂ©tend faire une science de lâhomme »31 ? La psychanalyse, par son attention aux mots singuliers, ne pouvait peutâĂȘtre que dĂ©construire lâaspect fantasmatique du projet consistant Ă Ă©laborer une science » de lâhomme32. Cependant il se pourrait que ce soit aujourdâhui les recherches en anthropologie contemporaine33 qui se soit engagĂ©e plus avant dans lâinvestigation du paradigme symbolique quant Ă ses consĂ©quences thĂ©oriques et pratiques34. Et, mĂȘme si Lacan ne fut pas dupe de la science lĂ oĂč LĂ©viâStrauss le fut, son Ćuvre nâa pas, bien entendu, Ă ĂȘtre exemptĂ©e dâun travail critique. Il semble que la situation psychanalytique nâa guĂšre Ă©tĂ© inquiĂ©tĂ©e jusquâalors par la critique postmoderne des effets de langage, qui a pour intĂ©rĂȘt de montrer les illusions prĂ©sentes dans les concepts fondateurs des disciplines. Estâce pour avoir poussĂ© assez loin sa pratique du langage et sa thĂ©orisation critique que, jusquâĂ aujourdâhui, elle a rĂ©ussi Ă sâen prĂ©server ? Rien nâest moins sĂ»r, mais câest certainement de bon augure pour la psychanalyse ; comme le disait Tosquelles 1991 » ce qui caractĂ©rise la psychanalyse câest quâil faut lâinventer ». 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Sur la question de cette notion fondatrice en sciences humaines et ses origines on peut notamment se rapporter Ă lâarticle de KremerâMarietti 2007 qui lâinscrit dans lâhĂ©gĂ©lianisme et dont on peut retenir le commentaire suivant Symboliser est lâacte essentiellement fondateur dans le sens oĂč fonder, câest ici poser Ă la fois la condition de possibilitĂ© et lâaccomplissement de la convention humaine, du pacte incontournable. Si la psychanalyse met au jour la topique symbolique, lâethnologie la confirme et les sciences humaines lâimpliquent ». 2 DâaprĂšs ces doctrines, le trouble psychique Ă©tait dĂ» Ă processus neuroâdĂ©gĂ©nĂ©ratif. 3 Il faut rappeler que Durkheim, fondateur de la sociologie, tout comme Ribot, fondateur de la psychologie en France, Ă©taient tous deux philosophes de formation. Seul Mauss, fondateur de lâethnologie et neveu de Durkheim ne lâĂ©tait pas. 4 La citation complĂšte mĂ©rite lâattention pour donner un aperçu de son propos Il nây a pas dâautres causes que des causes naturelles. Il nây a pas dâexceptions aux lois de la physique. Dans le social, on est confrontĂ© au mĂȘme matĂ©riel » citĂ© par Dosse, 1995 247. 5 Sur ces questions on se reportera Ă lâexcellente critique de Bernard Juillerat 2001 9-38 concernant cette approche naturaliste en gĂ©nĂ©ral. Elle constitue notre rĂ©fĂ©rence en la matiĂšre. 6 Câest notamment le cas du trĂšs mĂ©diatisĂ© Livre noir de la psychanalyse oĂč les auteurs, aprĂšs avoir critiquĂ© la psychanalyse, font en fin dâouvrage lâapologie des thĂ©rapies neuroâcomportementales Meyer, 2005. 7 Comment ne pas voir que les rĂ©cents dĂ©bats autour de lâefficacitĂ© thĂ©rapeutique de la psychanalyse en France autour de lâamendement Accoyer sâinscrivent aussi dans ce mĂȘme phĂ©nomĂšne Ă©valuatif inspirĂ© des approches cognitives anglo-saxonnes ? 8 Câest le cas dâune lecture qui semble devenir frĂ©quente et qui, mĂȘme si elle est incontestablement fĂ©conde philosophiquement, peut laisser de cĂŽtĂ© certaines questions spĂ©cifiques aux Ćuvres Maniglier, 2006. 9 En effet, les rapports de Lacan Ă LĂ©viâStrauss ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© remarquablement explorĂ©s mais de maniĂšre diffĂ©rente. Lacan serait dâabord tributaire de Durkheim, puis son retour Ă Freud se ferait par LĂ©viâStrauss Ă qui il devrait lâessentiel de ses concepts Zafiropoulos, 2001, 2003. Dans une lecture complĂ©mentaire Ă cette derniĂšre, nous insisterons quant Ă nous sur leurs diffĂ©rences et sur la fĂ©conditĂ© de la lecture lacanienne de LĂ©viâStrauss. 10 On ne prĂ©sentera pas ici lâensemble des recherches dâanthropologie psychanalytique qui furent menĂ©es depuis plus dâun siĂšcle de recherche de lâanthropologie amĂ©ricaine avec Margaret Mead et les culturals studies du dĂ©but du siĂšcle, jusquâaux dĂ©veloppements de Roheim, de DĂ©vereux ou de Bastide en France jusquâĂ la fin des annĂ©es 1970. On peut notamment se reporter sur ces questions Ă la prĂ©face de François Gantheret 1993 Ă Totem et Tabou qui dĂ©gage ces aspects. 11 Depuis Lâoedipe africain dâOrtigues 1966 la psychanalyse inspirĂ©e de Lacan nâa pas exprimĂ© grand-chose sur lâanthropologie semble tâil. De plus, si dans la premiĂšre Ă©dition de ce livre, rĂ©fĂ©rence est faite aux concepts lacaniens, il nâen sera plus de mĂȘme dans la 3e Ă©dition 1984. Au fond, Ortigues nâĂ©taitâil pas avant tout philosophe ? On peut se reporter au numĂ©ro consacrĂ© par LâHomme qui lui rend hommage â lâĂ©tendue de son Ćuvre dĂ©borde largement le champ de la psychanalyse on regardera notamment lâarticle de Vincent Descombes, 2005 â ainsi quâĂ lâentretien de Simone Gerber et Alex Raffy dans la revue Le coq HĂ©ron qui fait notamment Ă©tat de la clinique africaine dans les annĂ©es cinquante 2004. Cependant, une autre tentative sâĂ©labore et sâaffirme comme incontournable aujourdâhui. Cette autre anthropologie psychanalytique vise Ă intĂ©grer les avancĂ©es des recherches psychanalytiques, notamment cliniques, et les avancĂ©es des recherches en sciences sociales Assoun & Zafiropoulos, 2001, 2004, 2007. Notre travail est proche de cette perspective. 12 On pense ici notamment Ă lâouvrage de FavretâSaada qui fit date, Les mots, la mort, les sorts la sorcellerie dans le bocage 1977. 13 Mieux encore, comme on le sait, elleâmĂȘme en dĂ©pend la production des faits de laboratoire sâinscrit elle aussi dans la culture et la science est imbibĂ©e de valeurs Latour & Wooglar, 1988. 14 Comme nous le verrons Lacan dĂ©veloppe un certain rapport de la psychanalyse Ă la science. Il ne sâagit certainement pas de tomber dans la caricature antiâscientifique, mais de distinguer la science de la psychanalyse, tout en essayant dâĂ©lucider leurs liens. 15 Cette affirmation mĂ©riterait bien entendu de plus longs dĂ©veloppements, que nous nâavons pas les moyens dâexposer ici. 16 CâestâĂ âdire au sens oĂč lâon parle dâune science physique. 17 AuâdelĂ de leurs diffĂ©rences, ces deux auteurs plutĂŽt tenus Ă lâĂ©cart du dĂ©bat aujourdâhui postulent davantage quâil existe une diffĂ©rence de nature ontologique entre la pensĂ©e magique et la pensĂ©e rationnelle. 18 Le concept dâabrĂ©action se trouve essentiellement valorisĂ© dans les premiĂšres Ă©laborations thĂ©oriques freudiennes conçues sur le modĂšle de la catharsis. LâabrĂ©action en psychanalyse consiste en une dĂ©charge Ă©motionnelle par laquelle un sujet se libĂšre de lâaffect attachĂ© Ă un Ă©vĂ©nement traumatique ou souvenir dâun Ă©vĂ©nement traumatique, lui permettant ainsi de ne pas devenir ou rester pathogĂšne Laplanche & Pontalis, op. cit.. 19 » Pour les imagos, en effet, dont câest notre privilĂšge que de voir se profiler, dans notre expĂ©rience quotidienne et la pĂ©nombre de lâefficacitĂ© symbolique, les visages voilĂ©s, â lâimage spĂ©culaire semble ĂȘtre le seuil du monde visible ⊠» Lacan, 1966d 95. 20 MalgrĂ© sa tentative et son rapprochement avec Einstein, il nâĂ©chappa au feu de la critique de Popper qui paraĂźt deux ans plus tard 1988. 21 Nous reprenons ici les analyses classiques de Milner 2000. 22 Des distinctions sont lĂ encore Ă faire entre le chaman et le psychanalyste. Pour lâun, il sâagit de la vĂ©ritĂ© comme cause efficiente son domaine sont les signifiants naturels ; la magie quâil dĂ©clenche provient du fait quâil manipule de signifiants naturels tonnerre, pluie, mĂ©tĂ©ores et miracles, pour le psychanalyste, Lacan parle de la vĂ©ritĂ© comme cause matĂ©rielle puisquâil sâagit de la matĂ©rialitĂ© » de la parole qui est sans rapport avec la nature Lacan 1966c. 23 Pour rendre compte de ce dĂ©ni Lacan va analyser lâacte fondateur de Descartes du cogito, en tant que sujet de la science. La possibilitĂ© du cogito et de la fondation de la science moderne par Descartes ne reposait-elle pas en effet sur lâidĂ©e dâune mathesis universalis, câestâĂ âdire dâun langage qui, prenant la mathĂ©matique comme modĂšle, pourrait rendre compte de tous les phĂ©nomĂšnes ? Lacan dans Les problĂšmes cruciaux pour la psychanalyse leçon du 9 juin 1965 indique bien que le cogito cartĂ©sien dĂ©finit les rapports du sujet au savoir comme Ă©tant le sujet de la connaissance. En dâautres termes, si le cogito fonde le sujet de la science et son langage, câest aussi en excluant le sujet il y a un je pense qui est savoir sans le savoir » ibid.. Le je pense » nâa plus de rapport avec le suis » câest au contraire dans les ratages, lapsus, symptĂŽmes que je » trouve son statut de sujet. La condition de sujet parlant sera toujours dâĂȘtre divisĂ©e on ne se rĂ©vĂšle jamais autrement Ă soi-mĂȘme que dans un miâdire de sa parole, car la vĂ©ritĂ©, contrairement Ă la certitude de la science, nâest pas toute ». Le langage de la science est en quelque sorte lâenvers de la parole du sujet. 24 Ni la psychanalyse ni la science ne relĂšvent du progrĂšs, car contrairement Ă ce quâon sâimagine, la science tourne en rond, et nous nâavons pas de raison de penser que les gens du silex taillĂ© avaient moins de science que nous. La psychanalyse, notamment, nâest pas un progrĂšs... câest un biais pratique pour mieux se sentir » Lacan, 1977. 25 Plus tard câest la dimension du rĂ©el qui prendra le pas sur les deux autres. 26 On peut remarquer au passage que le geste de LĂ©viâStrauss est dâautant plus retord » quâil sâappuie sur deux suggestions isolĂ©es de Freud, oĂč le pĂšre de la psychanalyse Ă©voque la possibilitĂ© dâun anĂ©antissement de la psychanalyse par le progrĂšs de la science objectiveces remarques se trouvent dans Au delĂ du principe de plaisir Freud, 1968 78,et dans les nouvelles confĂ©rences Freud, 1984 [1933] 198. 27 Câest notamment non un anthropologue mais un psychanalyste qui a menĂ© cette critique particuliĂšre de LĂ©viâStrauss, notamment dans un livre qui sâintitule La causalitĂ© psychique Green,1995. 28 Câest le cas notamment de Sulloway qui soutient que Freud Ă©tait en rĂ©alitĂ© un biologiste de lâesprit » 1992. Il nâen demeure pas moins que Freud a malgrĂ© tout posĂ© lâautonomie du psychisme et mis en garde la psychanalyse face Ă la tentation dâune main mise par la mĂ©decine psychiatrique. Freud, mĂ©decin de formation, sâĂ©tait Ă©cartĂ© peu Ă peu de lâapproche biologisante et mĂ©dicale de la psychiatrie. 29 Pour la petite histoire, Sulloway est chercheur au MIT. Or, ce [âŠ] dĂ©partement allait devenir celui des sciences cognitives, ardent dĂ©fenseur des thĂšses de lâĂ©volutionnisme social et historien des sciences spĂ©cialiste du darwinisme⊠» selon Michel Plon, qui le prĂ©sente en introduction. 30 Citons un commentateur de ces mouvements, pour se remettre dans lâambiance » de lâĂ©poque de la thĂšse lacanienne Physiologues et mĂ©decins, surtout observateurs du corps, ont dĂ©crit des morphoâtypes et des biotypes constitutions, plutĂŽt anatomiques ; tempĂ©raments, plutĂŽt physiologiques, auxquels ils ont rattachĂ© des traits de caractĂšre de nature psychologique, tandis que psychologues et moralistes ont plus particuliĂšrement nommĂ© caractĂšres depuis ThĂ©ophraste les structures psychologiques fondamentales sousâjacentes Ă la personnalitĂ© et susceptibles de regroupement ; des morphopsychologues ont tentĂ© de trouver des corrĂ©lations entre caractĂšres et morphotypes » Torris, 1972. 31 En effet, le linguiste luiâmĂȘme nâest-il pas linguiste que dans la mesure exacte oĂč il est lui-mĂȘme un sujet parlant ? » se demande Milner Ă juste titre Dans certains cas â notamment, quand il Ă©tudie sa propre langue â, le retour sur soi lui est ainsi constamment imposĂ© ; mais de toute maniĂšre, Ă supposer mĂȘme quâil Ă©tudie une langue qui ne soit pas la sienne, il ne peut lâĂ©tudier sans la faire sienne, si peu que ce soit. Il sâĂ©tablit donc toujours une coĂŻncidence entre lâobservateur et lâobservĂ© ; cela ne manque pas de crĂ©er une structure paradoxale » Milner, 2004. 32 On pourrait rapprocher ces travaux de Lacan de ceux de Foucault ou de Derrida, qui furent produits dans des pĂ©riodes proches⊠sauf que ces philosophies vont jusquâĂ dĂ©faire le sujet lui-mĂȘme. De plus, cette idĂ©e que la science ne sâassimile pas Ă la vĂ©ritĂ© se trouve chez Lacan bien avant les annĂ©es cinquante en 1936 notamment dans un article intitulĂ© Au delĂ du principe de rĂ©alitĂ© » quâil consacre Ă la psychanalyse et Ă Freud [âŠ] la science peut sâhonorer de ses alliances Ă la vĂ©ritĂ© ; elle peut se proposer comme son phĂ©nomĂšne et sa valeur ; elle ne peut dâaucune façon lâidentifier pour sa fin propre » Lacan, 1966b 78. Et câest ainsi quâil sâexprimait encore dans son sĂ©minaire du 15 novembre 1977 Lacan, 1977d » Ce que jâai Ă vous dire, je vais vous le dire, câest que la psychanalyse est Ă prendre au sĂ©rieux, bien que ce nâest pas une science. Ce nâest mĂȘme pas une science du tout. Parce que comme lâa montrĂ© surabondamment un nommĂ© Karl Popper, câest que ce nâest pas une science parce que câest irrĂ©futable. Câest une pratique qui durera ce quâelle durera, câest une pratique de bavardage. Et aucun bavardage nâest sans risque ». 33 Nous pensons ici aux rĂ©cents travaux dâEric Chauvier. On peut se reporter Ă sa thĂšse oĂč lâauteur sâappuie sur la micro observation et sur une pragmatique du langage pour dĂ©crire sa propre famille 2003. Comme le faisait remarquer un Ă©minent anthropologue, cette anthropologie consiste dans le recueil de nos BOV, câest-Ă -dire dans lâĂ©coute de la bande originale de nos vies. On peut aussi se reporter notamment Ă son dernier ouvrage 2008 oĂč lâauteur investit une institution qui sâoccupe du placement familial. 34 On ne peut Ă©viter aussi dâĂ©voquer ici la contribution de la philosophie contemporaine comme celle de Judith Buttler qui montre les effets normatifs de toute thĂ©orie Butler, 2002, et dont une partie du travail consiste dans une critique et une reprise des donnĂ©es de la psychanalyse. Le nĂ©ophyte se reportera utilement Ă son recueil dâentretiens Butler, 2005.Top of page References Bibliographical reference Florent Gabarron-Garcia, De lâanthropologie de la psychanalyse Ă la psychanalyse de lâanthropologie », Journal des anthropologues, 116-117 2009, 69-104. Electronic reference Florent Gabarron-Garcia, De lâanthropologie de la psychanalyse Ă la psychanalyse de lâanthropologie », Journal des anthropologues [Online], 116-117 2009, Online since 01 June 2010, connection on 24 August 2022. URL ; DOI of page Copyright Journal des anthropologuesTop of page
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